Entretien

Jean-Philippe Jaworski : « J’ai repris l’écriture du cycle des Rois du monde »

Jean-Philippe Jaworski est l'auteur des séries "Récits du Vieux royaume" et "Rois du monde" - Photo DR

Jean-Philippe Jaworski : « J’ai repris l’écriture du cycle des Rois du monde »

Avec le Chevalier aux épines, trilogie publiée en un an aux Moutons électriques et encensée par les lecteurs, Jean-Philippe Jaworski a signé son grand retour dans l’univers du « Vieux Royaume ». Alors que le premier tome de la saga, Le tournoi des preux, vient de paraître en poche chez Folio Fantasy avec un tirage de 20 000 exemplaires, l’auteur nancéien s’est confié à Livres Hebdo.

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Par Charles Knappek
Créé le 03.05.2024 à 17h02

Maître de la fantasy française avec plus de 250 000 exemplaires de ses livres vendus en grand format et près de 300 000 en poche, Jean-Philippe Jaworski a publié en janvier dernier l’ultime tome du Chevalier aux épines chez son éditeur de toujours, Les moutons électriques. Cette trilogie magistrale, qui marquait son grand retour dans l’univers du « Vieux Royaume », s’est déjà écoulée à 30 000 exemplaires et a été menée tambour battant à raison d’un volume tous les six mois. Un tour de force sur lequel revient l’auteur nancéien alors que le premier tome du « Chevalier », Le tournoi des preux, a paru le 2 mai en poche dans la collection « Folio Fantasy », chez Gallimard. L’occasion, aussi, pour Jean-Philippe Jaworski d’évoquer les ressorts d’une œuvre foisonnante et d’annoncer le retour de son autre série phare, « Rois du monde », qui a pour cadre la Gaule archaïque.

 

Livres Hebdo : Le Chevalier aux épines s’inscrit dans le cadre plus large de l’univers du « Vieux Royaume », déjà abordé dans les nouvelles de Janua Vera et dans votre premier roman Gagner la guerre. Comment vous est venue l’idée de cette nouvelle trilogie, centrée sur le personnage d’Aedan de Vaumacel ?

Jean-Philippe Jaworski : Mon ambition à l’origine était d’explorer différents archétypes dans le recueil de nouvelles Janua Vera, publié en 2007. Parmi ces archétypes figurait celui du chevalier courtois dans la nouvelle intitulée Le service des dames, que j’ai rédigée en 2004. Dès ce moment, j’ai eu l’idée de ce chevalier et de lui associer un certain nombre de mystères qu’il m’allait falloir expliquer. Pourquoi ses armoiries évoluent-elles ? Pourquoi son écuyer est-il beaucoup plus âgé que lui ? sans parler du méchant caractère de son page... j’avais le thème général, avec en ligne de fond l’idée du conflit de loyauté entre des dames. Je reprenais vraiment l’archétype du chevalier de roman de chevalerie davantage que celui du chevalier de roman historique, mais avec la volonté de tordre ces figures archétypales pour donner une signification inattendue à son parcours. 

Le Chevalier aux épines était annoncé comme une trilogie, mais la fin du troisième tome est très ouverte et laisse augurer de nouveaux rebondissements... on ne sait pas non plus ce que devient Benvenuto, le héros de Gagner la guerre et personnage principal du 2e tome. Que prévoyez-vous pour le « Vieux Royaume » ?

Après Janua Vera, Gagner la guerre et maintenant Le Chevalier aux épines, l’histoire du « Vieux Royaume » aura pour cadre la guerre des deux duchesses, dans la continuité du conflit de loyauté traversé par Aedan de Vaumacel. Il y aura sans doute des changements de perspective, mais on y recroisera nombre personnages familiers.

« Il y aura d’autres romans dans le cycle du "Vieux Royaume" »

Sur quoi travaillez-vous en ce moment ? 

J’ai repris l’écriture du cycle des « Rois du monde », celle de la troisième branche, intitulée La grande jument. À plus long terme, il y aura d’autres romans dans le cycle du « Vieux Royaume », mais je ne peux m’engager sur aucune date...

Vous avez noué une relation de confiance avec André-François Ruaud, patron des Moutons électriques qui vous a découvert avec Janua Vera et à qui vous êtes depuis toujours resté fidèle...

André-François Ruaud avait hésité à publier Janua Vera car les recueils de nouvelles se vendent très mal, qui plus est s’agissant d’un auteur complètement inconnu. Il m’a fait confiance et je lui en suis reconnaissant. C’est grâce à lui que j’ai pu publier dans un second temps Gagner la guerre. Il me laisse une grande liberté créative, ce qui est très agréable.

« Les œuvres du genre sont condamnées à s’étendre sans fin »

Y compris concernant la dimension de vos romans ? Le Chevalier aux épines a d’abord été annoncé comme une duologie, avant de se présenter en trois tomes. Et, on l’a vu, l’histoire est loin d’être terminée...

J’avoue être atteint de logorrhée romanesque… la spécialiste de fantasy Anne Besson a dit que les œuvres du genre sont condamnées à s’étendre sans fin à mesure que s’étoffent les mondes secondaires. Elle avait raison et André-François Ruaud l’a bien compris, qui m’accompagne et me soutient, même si mes romans sont de plus en plus longs...

Vous avez pendant longtemps été professeur de français et ne vous consacrez pleinement à l’écriture que depuis deux ans. À quoi ressemble votre journée-type ?  

J’écris environ 4 000 signes tous les jours. Le matin, je relis et reprends mon travail de la veille, c’est de la réécriture, du filage. En fin de matinée et l’après-midi, j’écris. Ensuite, je marche ou je cours. Cela contribue à ma discipline créative, c’est le moment où je suis moins dans les questions formelles et davantage dans les questions diégétiques (organisation de l’univers, construction de l’action et mise en place de la narration).

Vous êtes l’auteur français de fantasy le plus lu aujourd’hui…

Si j’écris avant tout pour moi, la reconnaissance du public est importante et motivante. Elle me pousse à ne pas relâcher une certaine exigence dans l’écriture. Elle récompense aussi les contraintes que je m’impose telles que l’insertion de plusieurs histoires en octosyllabes dans Le Chevalier aux épines. C’est un travail long et fatigant, en forme d’hommage à Chrétien de Troyes et qui n’a fait que renforcer mon admiration pour cet auteur.

« Mes lecteurs sont loin de se limiter aux amateurs de fantasy »

La fantasy reste un genre de niche. Ne regrettez-vous pas de ne pas toucher un public plus large ? 

Il serait bien sûr gratifiant de toucher davantage de lecteurs. Mais me concernant, mes lecteurs sont loin de se limiter aux amateurs de fantasy. Je touche aussi beaucoup de férus d’histoire pour qui mes romans constituent une porte d’entrée dans la fantasy.

Votre œuvre est encore très peu traduite. Pourquoi selon vous ?

Un seul de mes livres, le premier tome des « Rois du monde », Même pas mort, a été traduit en Russie. Mais depuis la guerre en Ukraine, nous avons interrompu la collaboration qui nous semblait insoutenable. Un grand éditeur japonais a également acheté les droits de Gagner la guerre, mais cela n’a pas abouti. Quant à la langue anglaise, il est très difficile pour un auteur français d’être traduit dans un marché qui dispose d’énormément d’auteurs et se perçoit par ailleurs comme le marché d’origine de la fantasy.

« Dans La grande jument, je vais aborder la partie historique des "Rois du monde" »

Vous l’avez dit, vous travaillez sur la suite des « Rois du monde ». Les quatre premiers romans, qui ont pour théâtre la Gaule archaïque, font quasiment figure de tomes d’exposition alors que vos personnages s’apprêtent à enfin entrer en contact avec d’autres civilisations...

Dans La grande jument, je vais en effet aborder la partie historique du récit, qui se déroule autour de 600 avant J.-C., telle que Tite-Live la raconte. C’est à cette époque que les Celtes entrent en contact avec d’autres sociétés archaïques : les Étrusques, les Grecs et les Ligures. Pour brosser un tableau d’ensemble des territoires, j’ai mené un travail de documentation compliqué qui rend difficile de fixer des échéances.

Faut-il s’attendre à des volumes à la pagination toujours plus conséquente ?

C’est plus que probable par rapport à la façon dont je fonctionne. Ce qui m’intéressait dans les livres déjà parus était d’imaginer ce qui allait provoquer la dynamique migratoire des Celtes. L’archéologie nous dit que la Celtique était riche au premier âge du fer, qui s’est pourtant terminé par des vagues d’invasion successives qui traumatiseront durablement les sociétés méditerranéennes. C’est pour cette raison que je me suis interrompu dans la composition à la fin de Chasse royale (deuxième partie, composée de trois volumes, de « Rois du monde », ndlr). J’ai considéré qu’il y avait une unité thématique : l’instabilité personnelle et civilisationnelle qui va mener au mouvement des invasions et des migrations qui seront le sujet de La grande jument.

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