Livres Hebdo : Comment avez-vous eu l’idée d’installer une bibliothèque sur la plage ?
Dany Chartrand : Je suis une grande amoureuse de Tadoussac, cela fait 25 ans que je viens parfois en vacances ici. Je voulais quelque chose de simple, qui ne coûte pas cher. J’ai mis ma bibliothèque dans sept grosses valises. J’ai contacté la municipalité qui a fait les démarches pour que j’aie un permis et a financé les chaises et les parasols. J’ai découvert après que le concept existait déjà en Europe.
Quel bilan tirez-vous de cette initiative ?
Ça me dépasse. En moyenne, j’ai 35 lecteurs par après-midi. Un jour, j’en ai eu 47. J’ai autant de touristes que de gens de la région. Cela devient un rituel. Les gens sont emballés par l’idée. Des liens se créent entre les enfants et moi, car je leur raconte des histoires. Cela leur donne le goût de la lecture. Cela aura été une aventure merveilleuse.
Quel est le public ?
D’abord, les enfants. Tadoussac est un petit village de 800 habitants, dont la bibliothèque est petite, dans un sous-sol. Elle n’est pas ouverte souvent. La deuxième catégorie de gens qui viennent le plus, ce sont les jeunes adultes, entre 18 et 29 ans. Des adolescents qui n’aimaient pas la lecture, n’allaient jamais à la bibliothèque, adorent venir à la plage pour lire, ils ont découvert ce plaisir, et ça, c’est un miracle pour moi. La biblio-plage est devenue l’activité “in” (rires) ! Ceux qui viennent le moins, ce sont les plus de 60 ans.
Est-ce que le fait d’être sur la plage apporte quelque chose en plus ?
Je crois que le fait d’être pieds nus, dans le sable, crée du relâchement. Il y a quelque chose en lien avec le corps (rires) ! Mais je n’ai pas encore mis le doigt dessus. Il y a aussi l’effet de surprise : les gens arrivent sur la plage, et oups : il y a des livres ! C’est une autre façon d’être dans une bulle : quand on lève les yeux, devant, il y a ce magnifique fleuve. Même si l’eau est très froide, les enfants vont se baigner, reviennent lire, puis repartent.
Votre profession vous prédisposait à ce projet.
Je suis raconteuse. Cela fait 10 ans que je raconte des histoires aux enfants dans les écoles mais je suis rémunérée pour le faire depuis seulement un an et demi. J’ai mis sur pied des projets scolaires et culturels, surtout dans la région de Montréal. J’ai par exemple créé un projet, Vidéo Vision jeunesse, dédié aux adolescents qui décrochent de l’école. Ils créent une vidéo pour exprimer ce qui les préoccupe.
D’où vient ce surnom, Madame Chose ?
Un jour, dans une école, un enfant qui ne se rappelait plus mon nom m’a appelé ainsi. Ici, c’est une expression populaire. J’ai décidé de garder ce nom car c’est drôle, et ça va bien avec mon approche de la littérature. J’ai envie de désacraliser tout ça, et de mettre en avant la littérature québécoise, qui compose 75 % de la collection sur la plage.
Quels types d’ouvrages proposez-vous ?
Beaucoup de choses qu’on peut lire sur place : nouvelles, bandes dessinées, chroniques, documentaires, quelques romans. Je ne peux pas faire de prêts car je n’ai pas de moyens. Même si je fais parfois quelques entorses à mon règlement, comme quand une adolescente mourrait d’envie de lire l’Attrape-cœur de Salinger. La semaine suivante, une petite fille cherchait la série des Aurélie Laflamme, très connue ici. J’ai passé une annonce sur ma page Facebook. C’est l’adolescente à qui j’avais prêté l’Attrape-coeur qui lui a donné toute sa collection !
Page Facebook de Mme Chose.