Sobre et efficace dans sa construction comme dans son graphisme, Love story à l’iranienne livre un portrait poignant de la jeunesse au pays des mollahs. Il s’agit d’un recueil de onze interviews prudemment rassemblées par Jane Deuxard (un pseudonyme) et restituées en images par Deloupy. Ils y mettent en scène un couple d'occidentaux rencontrant Ashem et Nima, Gila, Jamileh, Omid ou Vahid dans un café de Yazd, un parc de Téhéran, un appartement de Bandar Abbas ou le cimetière de Behesht-e Zahra. Ceux-ci ont de 20 à 30 ans, quelques espoirs, beaucoup de désillusions et plus encore de souffrances et de frustrations.
Pourtant fiancés de longue date, Gila et Mila, à Téhéran, n’ont jamais pu avoir de rapports sexuels "complets" pour ne pas risquer de rompre l’hymen de Gila. Tout comme Soban et Tala qui, à Mashhad, se retrouvent chaque soir au centre commercial avant de déambuler, sans pouvoir se toucher, dans les artères encombrées de la ville. Ces jeunes femmes et hommes racontent les mariages arrangés, les caméras de surveillance, la dictature du voile, le contrôle social agressif, mené par la police et les milices religieuses, mais aussi dans les familles par les tantes et les belles-mères. Ils soulignent l’hypocrisie des mollahs acceptant et pratiquant eux-mêmes les "mariages temporaires" qui couvrent souvent des pratiques de prostitution, quand ils ne vont pas se soulager dans les bordels de Dubai.
Interviewée dans une télécabine à Ispahan, Zeinal est bien la seule à assumer une sexualité libérée avec son ami Bobak, en attendant que celui-ci obtienne le travail, l’appartement et la voiture indispensables à toute demande en mariage qui se respecte. Sa copine Kimia, elle, doit se contenter de quelques baisers furtifs dans la voiture de son amoureux, la peur au ventre. Fabrice Piault