Redoutée depuis la fin de 2013, la contraction du marché parascolaire s’est bien produite en 2014. A - 2,8 % en valeur et - 2,2 % en nombre d’exemplaires vendus, elle a même surpris les éditeurs qui espéraient un tassement plus limité. Le segment de la préparation aux examens, en particulier, qui affichait il y a a encore deux ans une progression à deux chiffres, chute, en 2014, de - 8,3 %. "L’absence de réforme du bac après deux belles années explique cette contre-performance, estime Laurent Breton, directeur du pôle grand public chez Magnard. Pour autant, il ne faut pas négliger le poids de nouveaux intervenants arrivés comme des bulldozerssur un marché archi saturé." Déjà en recul en 2013, les ouvrages de référence et les annales ont enregistré des baisses similaires, respectivement de - 8,7 % et - 10,4 %.
Pour autant, "ce fléchissement n’est pas trop préoccupant, le parascolaire demeurant une valeur refuge en temps de crise", assure Thomas Massin, directeur commercial et marketing chez Bordas. D’autant que les piliers du secteur, les cahiers de vacances et le soutien, qui assurent ensemble plus de 50 % de l’activité, parviennent à garder la tête hors de l’eau. Une dynamique due essentiellement aux licences et aux petits prix, qui ont notamment permis à Magnard et à Nathan de tirer leur épingle du jeu l’an dernier. Si la filiale d’Editis a misé sur le personnage jeunesse T’choupi, Magnard a choisi de positionner ses "Cahiers de vacances", entièrement revisités, sur une base de prix "la plus basse du marché", s’enorgueillit Laurent Breton. Oscillant entre 4,30 euros et 7,90 euros, la collection a progressé de 13,5 % et est "devenue troisième en volume, passant devant Hatier", se félicite l’éditeur.
Dynamique sur les cahiers de vacances traditionnels, Nathan a, du côté du ludo-éducatif, rencontré sur son chemin Hachette Education. En vendant 3,99 euros les 6 titres de la collection "Petites enquêtes", arrivés sur les tables en avril 2014, Cécile Labro, directrice parascolaire et pédagogie chez Hachette Education, est venue chatouiller sérieusement l’historique "L’énigme des vacances" de Nathan, commercialisée au tarif de 6,99 euros. En réaction, la filiale d’Editis proposera au printemps de cette année une version économique de la collection regroupant deux histoires en un seul volume au prix de 9,99 euros. Jouant sur les deux tableaux, la maison alimentera également la série traditionnelle, à 6,99 euros, de trois titres sous licence Scooby-Doo.
Gai et dynamique
Une guerre des prix se profilerait-elle en parascolaire ? D’après GFK, le prix moyen des ouvrages parascolaires s’est resserré de 0,6 % l’an dernier. "Certes, le prix modéré répond à un besoin, surtout en temps de crise, pointe Anne-Claude Bartin, directrice marketing de Nathan Education. Mais aujourd’hui, il s’agit davantage de concevoir des formules économiques et de consolider nos prix sur les collections existantes en ajoutant des plus-produits." Si elle semble adoptée par l’ensemble des acteurs du marché, cette stratégie subit tout de même çà et là quelques accrocs. Hachette Education baissera ainsi le prix des "Hachette vacances", gamme "la plus chère mais bénéficiant d’un plus large contenu", précise Cécile Labro, alors que Play Bac, éditeur plutôt positionné en haut de l’échelle des prix, lancera au printemps, sous l’ombrelle des "Incollables", une collection de cahiers de jeux à 2,99 euros destinés au primaire. Cette opération vise à "rendre la marque la plus polyvalente possible, à la fois sur le prix mais aussi sur le public", précise Marjorie Seger, directrice marketing de la maison.
Sur le soutien, Bordas se concentre sur sa collection d’entrée de gamme à 3,99 euros, rebaptisée "Tous forts en…". Graphismes et contenus ont été entièrement revus afin d’offrir un aspect gai et dynamique et une progressivité dans les apprentissages. La série, dont les premiers titres ont été publiés en janvier, court du CP à la 3e sur trois matières : français, maths et anglais. Encore à la manœuvre mais cette fois-ci sur la préparation d’examens, Magnard lancera au printemps une Compil de fiches 3e, un tout-en-un de révisions au prix avantageux de 11,90 euros. L’ouvrage s’inscrit dans la collection "Spécial brevet", lancée en janvier pour compléter la série "Spécial bac", et qui offre en outre un plus-produit sous forme de QR-codes renvoyant à des ressources complémentaires sur un site Internet.
Autre corde à leur arc, cette pratique commerciale constitue pour les éditeurs un moyen discret mais efficace de jouer sur les prix. Sans augmentation de tarif, ils ajoutent à leurs ouvrages un ensemble de services supplémentaires censés faciliter l’acte d’achat, de la simple antisèche détachable au site Internet qui propose des contenus complémentaires. "Même si le papier reste le support numéro un, la tendance à la révision sur Internet est bien présente. Tous nos livres sont donc désormais conçus comme des produits mixant les deux supports", indique Rachel Duc, qui a remplacé Véronique Hublot-Pierre à la direction du parascolaire et de la jeunesse chez Hatier. Fer de lance dans ce domaine, la maison a profité de la refonte en 2014 des gammes "Chouette" et "Tout savoir" pour intégrer, dans tous ses ouvrages, un lien vers son site Hatier entraînement. Bénéficiant d’importants développements, celui-ci offre désormais de multiples jeux et activités ainsi qu’un espace parents et enseignants. Dans la même optique, Annabac.com propose depuis quelques mois des cours de philosophie en vidéos (mooc) et, à l’occasion de la refonte des cahiers de soutien "Bescherelle", des contenus audio seront ajoutés pour quelques matières.
Les libraires dans la boucle
Dans la roue d’Hatier, Bordas a mis en ligne à la dernière rentrée une plateforme d’accompagnement parascolaire complète dédiée aux familles. Œuvrant du CP à la terminale, elle fonctionne par abonnements, dont les montants varient de 2,99 euros à 14,99 euros, et bénéficie de relais dans tous les ouvrages de la maison. Soucieux "d’intégrer les libraires dans la boucle", Thomas Massin réfléchit en outre à une matérialisation physique de la plateforme diffusable en magasin. "Je crois beaucoup à la pédagogie du numérique, plaide le directeur commercial. Elle apporte notamment une dose d’autonomie et une excellente réponse au besoin de personnalisation de plus en plus recherchée en parascolaire."
Mise en œuvre l’année dernière par Hatier pour les "Chouette", dont la refonte se poursuit en 2015, la personnalisation des ouvrages papier gagne du terrain cette année. En janvier, la réactualisation chez la plupart des éditeurs des collections de fiches de révision traduit cette orientation. Conjuguée à la volonté de faciliter l’accès au contenu, devenue une tendance de fond du parascolaire, le double mouvement produit, sur tous les segments, des ouvrages aux maquettes simplifiées, aérées, qui privilégient le visuel en pratiquant notamment le surlignage et proposent tests et autres quiz ou marges pour apposer des notes. Engagé dans ce mouvement avec la révision de la gamme "Objectif bac" en 2014, Hachette Education creuse le sillon en 2015 en remplaçant, au collège, "Objectif collège" par "Pour comprendre", qui répond mieux aux impératifs de simplification. Cela permet en outre à Cécile Labro de relancer la gamme complète, inaugurée en 2013 au primaire mais dont les tout-en-un, sortis en juillet 2014, n’ont pas donné les résultats escomptés.
En maternelle et dans les premiers apprentissages, les éditeurs préfèrent jouer la carte du périscolaire. Amorcée l’année dernière avec les cahiers d’activités "A la maternelle", la tendance s’enracine chez Magnard, qui sort en mars une collection jetant des passerelles avec la jeunesse. "Petite visite en activité" propose, sur 6 titres, des activités très ludiques sollicitant l’éveil et l’observation autour d’une promenade dans un lieu emblématique comme la maison, l’école, le château ou le zoo. Innovant sur la transversalité, avec des produits issus de la galaxie Boscher comme, en 2014, Mes petites règles de vie et Mes photos de classe, Belin poursuit en 2015 le développement de ses "Premières lectures", une niche désormais disputée par Nathan et ses "J’aime mon école !", ouvrages coédités avec MDI. Mais pour retrouver le chemin de la croissance après une année mouvementée, Annie Sirmai, directrice marketing de Belin, investit le champ de la maternelle. Sous la marque Boscher Maternelle, deux cahiers d’activités et quatre tout-en-un sont arrivés en librairie en janvier. Obéissant aux impératifs de cette méthode utilisée dès les années 1920, ils présentent "un peu de tout chaque jour" et sont organisés en séquences thématiques. A la fin de chaque séquence, un atelier propose des exercices de mise en pratique valorisant la manipulation par l’enfant. "Cette innovation permet d’ouvrir sur le développement cognitif, la sociabilité et les gestes, qui constituent des notions clés dans l’apprentissage", affirme Annie Sirmai.
Autre éditeur à la peine en 2014, Play Bac cherche toujours une solution pour désaisonnaliser ses ventes, très liées aux vacances. Présent essentiellement en magasin au printemps avec ses "Incollables", la maison a choisi février pour créer une nouvelle collection de carnets de fiches. Toujours basés sur une approche ludo-éducative, les Smartfun, livres qui prennent la forme de téléphones portables, reviennent sur l’essentiel du programme de primaire et proposent des activités qui assurent la compréhension et l’acquisition des notions. Suivant la même stratégie, et à la même période, Bordas commercialise la collection "Le cahier des petites vacances", sept carnets de jeux, de découvertes et d’éveil pour réviser partout et tout le temps. Une manière pour Thomas Massin de "rendre l’offre protéiforme afin de l’adapter, sur un marché déjà bien exploré, au besoin fondamental de réviser pendant toutes les vacances".
Le parascolaire en chiffres
Un marché technique toujours plus concentré
Largement dominé par Nathan, le secteur creuse le filon du supérieur.
Dans une année "encore plus atypique que les précédentes, où beaucoup de choses ne se passent plus comme avant, voire plus du tout", déplore Agnès Fieux, responsable éditoriale concours et parascolaire chez Foucher, son concurrent direct sur le marché du parascolaire technique et professionnel, Nathan, a une nouvelle fois conforté ses positions. Le leader du secteur revendique 50 % de part de marché en 2014, contre 47 % en 2013, faisant de l’ensemble de la gamme "Réflexe" une "marque repère de ces rayons", assure le directeur du département technique et supérieur de Nathan, Charles Bimbenet. La filiale d’Editis a déroulé son programme autour d’une vingtaine de nouvelles éditions en bac pro et technique, et d’une quinzaine en BTS, qui visent à réajuster les contenus et à coller aux dernières épreuves. Elle en profite également pour retravailler ses maquettes qui privilégient, comme dans tout le secteur, lisibilité et simplicité. "Ce secteur exige une immense qualité éditoriale qui se traduit dans nos ouvrages par une extraordinaire attention à la forme", souligne Charles Bimbenet.
Hachette Education, qui reconnaît également "chouchouter ces filières", a aussi enregistré de bonnes performances en 2014, grâce notamment à la poursuite de l’harmonisation des titres sous la marque "Objectif", assurant, selon Cécile Labro, une bonne visibilité en magasin. En 2015, l’éditrice compte sur les BTS pour dynamiser les ventes, une stratégie également adoptée par Foucher. La filiale d’Hachette Livre, où la prudence reste toujours de mise, espère maintenir le cap en réactualisant les titres les plus anciens de sa collection phare, "Le volum’", et en défrichant quelques niches comme l’esthétique. Ellipses, déjà bien présent sur le segment avec ses ouvrages de culture générale, entend aussi y renforcer sa présence avec des tout-en-un par BTS (Banque et Assistant de manager en 2014) et quelques monomatières transversaux.
Sur un marché tendu, l’innovation reste du côté de Nathan, qui, en pionnier, a exploré en 2014 l’univers des IUT. Quatre tout-en-un semestriels couvrant les deux principales filières, Gestion des entreprises et des administrations et Techniques de commercialisation (2 titres par filière), ont inauguré en août 2014 "Réflexe IUT". La collection s’enrichir de 4 titres au moins en 2015.
Classiques pour tous
Tout en poursuivant leur travail de refonte et de simplification pour stabiliser le marché, les éditeurs de classiques cherchent de nouveaux leviers de croissance en diversifiant leurs approches et leurs publics.
Encore en progression en 2013, les classiques ont fait du surplace en 2014. Ce segment affiche, selon GFK, une maigre progression de son activité de + 0,6 % en valeur, une performance au demeurant meilleure que celle de l’ensemble du marché en 2014. De l’avis de l’ensemble des acteurs, elle est le fruit de l’incessant travail opéré depuis 2012 sur les maquettes et les appareils pédagogiques. Simplifiés, recentrés sur l’essentiel de l’œuvre, privilégiant les schémas et les visuels et enrichis d’illustrations et de photos couleurs, ces concepts rénovés visent à faciliter l’accès aux textes et à donner envie en "rendant les contenus attrayants et intelligibles", témoigne Cécile Labro, directrice parascolaire et pédagogie chez Hachette Education, qui lancera en avril la nouvelle mouture des deux collections de la maison, "Bibliocollège" et "Bibliolycée". Portant d’abord sur les meilleures ventes, la refonte répond aux mêmes impératifs, "une gageure parce qu’il faut faire plus percutant avec un contenu allégé", assure l’éditrice.
L’offensive d’Hachette Education vise à regagner des parts de marché, perdues depuis deux ans au profit de Magnard, d’Hatier (le second acteur du marché en 2014), et de Flammarion. Leader avec 19 % des ventes, et une croissance annoncée de 8 % en 2014, la filiale du groupe Madrigall s’apprête à fêter en 2015 les 20 ans de sa collection phare, "Etonnants classiques" (voir encadré ci-contre). A côté de cet événement, Thiphaine Pelé, directrice de la collection, entend continuer à marier les trois ingrédients qui ont assuré son succès : la revalorisation du catalogue, riche de 250 titres ; la publication d’anthologies et de recueils pour répondre aux programmes "un peu vieux" par des biais renouvelés ; et l’acquisition de titres contemporains forts afin de composer une offre audacieuse, incarnée par exemple par Zola Jackson de Gilles Leroy. "Ce livre est typique du rôle de la collection : amener la prescription, grâce notamment à l’appareil pédagogique, sur des textes considérés comme non classiques", analyse Tiphaine Pelé.
Autre acteur en forme du moment, Magnard, qui revendique une croissance de 25 % l’an dernier sur la collection "Classiques & patrimoine", promet pour le printemps une diversification de son catalogue, sans rien vouloir dévoiler. Dans une situation diamétralement opposée, Larousse opte pourtant pour la même stratégie. Après la philosophie, l’acteur historique du segment a tenté en 2014 une incursion dans le champ des BTS. Mais ses recueils, arrivés en juin et en septembre, plus tard donc que ceux de ses concurrents, n’ont pas apporté les résultats escomptés. Les efforts sur ces deux axes seront toutefois maintenus en 2015. Pour se relancer, Carine Girac, directrice du département dictionnaires et encyclopédies, compte aussi sur l’entrée de Jean Giraudoux dans le domaine public et, par conséquent, dans les "Petits classiques". La révision de grands textes anciens, commencée en 2014 avec L’Iliade,L’Odyssée et Tristan et Iseult, devrait contribuer à dynamiser la collection, tout comme les 4 nouveautés, dont deux inédits de Didier Daeninckx et de Gilbert Sinoué, viendront renforcer "Les contemporains, classiques de demain." A côté de la refonte des "Classiques & Cie philo", Hatier mise, comme le reste du secteur, sur l’accompagnement numérique avec la création d’une chaîne sur YouTube qui proposera des extraits de pièces de théâtre.
Toujours en vacances
Pôles d’équilibre du parascolaire, les petits classiques et les cahiers de vacances confirment leur position de locomotive du secteur. Ils occupent 45 places dans le Top 50 GFK/Livres Hebdo des meilleures ventes d’ouvrages parascolaires en 2014, même si la première reste occupée par La conjugaison pour tous, fleuron de la fameuse collection "Bescherelle" d’Hatier.
Sur le segment des classiques, les principaux acteurs du marché, excepté Hatier, parviennent tous à placer au moins un titre, la palme revenant à Magnard et son indétrônable Oscar et la dame rose d’Eric-Emmanuel Schmitt, en 7e position. En revanche, le marché des cahiers de vacances est dominé à 80 % par Hachette Education et Nathan. La filiale d’Editis, portée par l’intégration de jeux et de concours dans sa gamme "Nathan vacances", et par la licence "T’choupi", place 14 références face à Hachette Education, qui n’installe "que" 11 "Passeport" et un cahier issu de la licence "Violetta". Mais, grâce aux deux titres de sa collection ludique "Jouer pour réviser", respectivement en 47e et 50e position, Hachette Education parvient, au finish, à égaliser avec son concurrent.
Challenger du secteur, Magnard réalise également une bonne performance avec l’apparition de 3 de ses cahiers de vacances, dont le premier, De la GS au CP, pointe au 17e rang. Globalement, sur les 34 cahiers placés dans le tableau, le primaire domine largement.