15 janvier > Essai France

Proust a beaucoup servi. Il continue. C’est à cela que l’on reconnaît les grandes œuvres. Cette fois, c’est un spécialiste de la psychologie cognitive qui utilise la Recherche pour expliquer ses travaux. Et c’est passionnant. Bien plus lisible surtout que les livres qui traitent du même sujet sans prendre appui sur une œuvre littéraire. Car ce qui pourrait sembler un artifice ne l’est pas du tout. André Didierjean se sert de l’œuvre de Proust comme d’une illustration. Mais il montre aussi que l’écrivain a eu sur la mémoire des intuitions qui seront expliquées plus tard par les chercheurs. Pourquoi retient-on certaines choses plutôt que d’autres, pourquoi fait-on sans cesse et sans le savoir le ménage dans nos souvenirs, pourquoi sommes-nous attentifs à certains visages et pas à d’autres ? La psychologie cognitive qu’André Didierjean enseigne à l’Université de Franche-Comté traite de tout cela. Ce professeur évoque par exemple le mécanisme de l’abduction, qui consiste à extraire la généralité d’une situation unique. Ainsi, nous n’avons pas besoin de nous souvenir de toutes les fois où nous avons ouvert une porte pour savoir le faire. Il montre aussi la différence des informations sélectionnées dans la perception que nous avons d’une situation et dans l’attention que nous lui portons. De même, il explique la fabrication des faux souvenirs ou les mécanismes qui entrent en jeu dans la mémoire à court et à long terme. "L’impression est pour l’écrivain ce qu’est l’expérimentation pour le savant", écrivait Proust. Bref, voilà sur la psychologie cognitive un livre bougrement intelligent.

Laurent Lemire

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