Alors que les prêts de livres stagnent et que ceux des disques diminuent, les prêts de vidéos sont en constante progression dans les médiathèques et les collections de plus en plus abondantes. D’après la synthèse 2010 de l’Observatoire de la lecture publique, 44 % des bibliothèques proposent des collections de DVD. Cette proportion monte à 75 % dans les établissements « de niveau 1 », c’est-à-dire ceux qui offrent un minimum de surfaces, d’horaires d’ouverture et de personnel qualifié. Les collections de DVD, estimées au total à 6,5 millions d’exemplaires, représentent 3 % du total des documents des médiathèques mais 9 % des prêts, voire 15 % dans certains établissements. Mais quels sont donc les DVD les plus empruntés ? Pour le savoir, une équipe d’étudiants de l’IUT de Nancy a mené l’enquête sous la direction de Claude Poissenot auprès de 23 établissements de diverses tailles qui ont en commun de prêter les DVD pour une durée de trois semaines (1).
Diversité des références.
« Une des premières surprises apportées par l’enquête est la grande diversité des prêts selon les médiathèques », commente Claude Poissenot. En effet, les 23 palmarès de 50 titres débouchent sur une liste globale de 805 titres différents (2). Peu de titres se retrouvent dans plusieurs établissements : les trois quarts n’apparaissent que dans un seul. Les meilleurs prêts de vidéos ne se concentrent donc pas sur un petit nombre de références, mais bien sur une multitude. Le sociologue relève que cette tendance à la dispersion est contrebalancée par une autre, contraire : les prêts convergent vers certains titres. Ainsi les 50 titres les plus empruntés totalisent 37 % du total des emprunts recensés. Quels sont donc les ingrédients qui font d’un film un « succès de médiathèque » ?Le goût du frais.
Les usagers des médiathèques plébiscitent avant tout les titres qui sont récents. Parmi les 50 titres les plus empruntés, 56 % ont moins de 3 ans et seulement 10 % sont antérieurs à 2000. «Les usagers utilisent donc l’offre publique de films pour compléter leur suivi de l’actualité cinématographique, commente Claude Poissenot, ils vont chercher en médiathèque les films qu’ils n’ont pu ou voulu voir en salle ou acheter en DVD. Ils ont à cœur de rester au courant de l’actualité et sont sensibles au bruit médiatique qui entoure la sortie des films, l’actualité des réalisateurs et des acteurs. Les médiathèques participent à la constitution d’une culture cinématographique en train de s’écrire. » S’il existe sans doute des usagers qui viennent chercher les « classiques » du cinéma, d’autres ne souhaitent pas attendre l’épreuve du temps et se dirigent vers la production très récente. «Les discours professionnels qui militeraient pour une fonction plus patrimoniale et l’acquisition prioritaire des “classiques? manqueraient cette contribution active à la culture en train de s’écrire qui fait d’une institution qu’elle demeure vivante. Ce goût du frais devrait d’ailleurs inciter les professionnels à mettre en valeur l’actualité de leurs collections de vidéos à la fois à l’intérieur en proposant un classement spécifique sur “l’actualité cinéma? et à l’extérieur pour faire savoir à ceux qui ne franchissent pas encore ses murs que l’institution n’est pas seulement un lieu patrimonial avec des films en “noir et blanc? mais qu’il est en phase avec l’actualité », selon l’auteur de l’étude.Un rayon «
Films du samedi soir
».
L’étude souligne par ailleurs l’absence quasi totale des films documentaires sur les 805 titres recensés. A l’inverse, elle pointe une concentration des choix sur les films d’animation et les comédies : ces deux genres représentent près des deux tiers des 50 titres les plus empruntés. Les autres genres sont loin derrière alors qu’ils sont pourtant largement présents au cinéma : drame, thriller, fantastique, science-fiction. « Les films plébiscités correspondent à un souhait clair de divertissement partagé, constate encore Claude Poissenot, un peu comme les “films du samedi soir? qui permettent de rassembler toute la famille. Le plaisir personnel se combine avec celui d’être réuni avec ses proches. A quand un rayon “Films du samedi soir? ? »L’attrait pour la production américaine.
Parce que les films américains savent particulièrement bien satisfaire les attentes du public, ils se retrouvent eux aussi en masse dans les films les plus empruntés : ils rassemblent les deux tiers du total des prêts parmi les 50 premiers contre un quart pour les films français. «La médiathèque confirme cette suprématie, conclut Claude Poissenot, tout en l’atténuant un peu par rapport au marché du cinéma puisque sur les 50 titres les plus empruntés, le nombre d’entrées au cinéma pour les films américains représente 71 % du total et 20 % pour les films français. » <(1) Albertville (Savoie, 19 000 hab.), Castres (Tarn, 42 700 hab.), Cergy (Val-d’Oise, 57 200 hab.), Châlons-en-Champagne (Marne, 46 200 hab.), Charleville-Mézières (Ardennes, 50 000 hab.), Châtillon (Hauts-de-Seine, 32 400 hab.), Epinal-Golbey (Vosges, 41 100 hab.), Forbach (Moselle, 21 600 hab.), Lattes (Hérault, 15 800 hab.), Lillebonne (Seine-Maritime, 9 200 hab.), Louviers (Eure, 17 900 hab.), Lunel (Hérault, 24 900 hab.), Lyon (Rhône, 479 800 hab.), Montpellier (Hérault, 255 100 hab.), Nice (Alpes-Maritimes, 340 700 hab.), Nilvange (Moselle, 4 900 hab.), Nîmes (Gard, 140 700 hab.), Plouzané (Finistère, 11 700 hab.), Reims (Marne, 180 800 hab.), Sète (Hérault, 42 500 hab.), Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime, 29 300 hab.), Saint-Etienne (Loire, 172 000 hab.), Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes, 5 800 hab.). Au total, les données de 41 521 prêts ont été recueillies.
(2) L’étude de l’IUT de Nancy a pris en compte tous les types de DVD hormis les séries télévisées qui posent des difficultés pour leur repérage dans les collections. Certaines représentent cependant un nombre important de prêts (parfois plus important que celui des films).