Gosse de la centrale. Écrivain voyageur dont les intrigues se déroulent aussi bien le long du Danube qu'en ex-Yougoslavie ou dans le Grand Nord, Emmanuel Ruben développe dans Malville un récit d'anticipation dans le paysage de son enfance. Cette aventure sur la Loire, teintée de détails autobiographiques, se double d'une plongée dans l'adolescence où se dessinent les premiers émois et les premières réflexions politiques sur la nature et l'écologie.
En 2036, Sam, le narrateur, vit confiné dans sa cave depuis qu'un virus radioactif s'est échappé, six mois auparavant, de la centrale nucléaire de Malville, d'où il est originaire. « De mois en mois, j'observe le progrès de la forêt toxique, je vois la verdure envahir les lieux les plus intimes de mon enfance [...] » Cette catastrophe était à prévoir et Sam se remémore son passé, sa rencontre avec la centrale, les polémiques qu'elle a générées depuis les années 1980, le temps où l'on pouvait encore circuler librement sur le fleuve, avant qu'il ne soit surprotégé et devienne inaccessible, et la montée progressive mais exponentielle de l'extrême droite...
Enfant plutôt solitaire, tentant de dissimuler sa religion juive à l'école, Sam est le fils d'un agent de radioprotection à la centrale de Malville. Il voue une fascination pour ce lieu qu'il n'a jamais visité et qui occupe pourtant toutes les préoccupations de son père et de son entourage. « Tout tournait grâce à la LA Centrale. » Ses rêves se situent entre les mondes imaginaires inspirés de ses lectures, sa pratique passionnée du vélo et l'écriture d'un roman. Jusqu'au jour où il décide de se rapprocher de la centrale par les bords de Loire, mais se fait piéger dans la vase qui commence à l'engloutir. Tom, un garçon de l'âge de son frère, le sort de là et le ramène chez ses parents. À table, Sam annonce aux parents de Tom le métier de son père : « La mère reposa sa cuiller, qui fit tinter la faïence de son assiette. Des lueurs d'incendie s'allumèrent dans les yeux du père. » Avec Tom, Sam fait la connaissance d'un univers qui lui était jusqu'alors étranger, celui de fermiers qui habitent en pleine campagne, des militants antinucléaires. Cette première rencontre hors du cercle familial provoque bien vite d'autres liens amicaux et amoureux. L'objet de fascination de Sam se déplace progressivement de la centrale à l'exploration de la nature avec Tom, puis aux aventures avec le groupe de copains, conduit par la belle Astrid. En se rapprochant d'elle, il apprend qu'elle souffre d'un cancer dû aux radiations de Tchernobyl. « Tchernobyl = Malville » parviennent-ils à taguer, en vandales maladroits, sur les murs de la centrale, non sans prendre des risques qui déliteront les liens du groupe.
Au-delà des réflexions et des mises en garde autour du nucléaire, Emmanuel Ruben décrit dans Malville une jeunesse dont les tourments, dans un contexte par ailleurs très politique, ont sans doute participé à sa sensibilité à la nature, évidente dans ses livres.
Malville
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Tirage: 8 000 ex.
Prix: 20,90 € ; 272 p.
ISBN: 9782234095915