Avant-portrait > Virginie Girod

On pressent bien quelque chose quand elle dit "Lyon", avant de préciser "Rillieux-la-Pape", lorsqu’on lui demande son lieu de naissance. Puis, la jeune femme élégante déroule un parcours qui semble sans entrave. Quoique.

Rien ne la prédestinait à l’histoire, encore moins à celle de l’Antiquité. Après un bac ES, elle fait une première année de droit. Un jeu sur Pompéi la fait bifurquer. Elle s’inscrit en histoire jusqu’à sa licence à Lyon. Pour son master et son doctorat, ce sera Paris. "Je voulais la Sorbonne, je voulais l’excellence." Elle en rêve comme une revanche, mais pas comme un but, pas au point de vouloir un jour y enseigner à son tour. Car derrière ses mots, sa passion pour l’Antiquité et ses grandes figures féminines, il y a Rillieux-la-Pape. Elle finit par dire qu’elle a vécu dans une cité, que ce n’était pas toujours facile pour une fille unique, que sa mère est d’origine portugaise, qu’il lui fallait sortir de l’immigration.

Du côté des battantes

Avec un grand-père qui fut marin sous Salazar, elle a grandi avec des principes masculins sur lesquels elle a greffé des valeurs féminines. Les siennes et un peu celles de sa mère aussi. Il lui restait à trouver sa voie. L’âme virile des Romains lui en donne l’occasion.

Elle lit l’ouvrage de Florence Dupont et Thierry Eloi sur L’érotisme masculin dans la Rome antique (Belin, 2001) et se dit : "Je vais faire la même chose sur les femmes." Elle est déterminée et l’idée fait son chemin. Elle veut écrire une thèse qui soit lisible, pas seulement pour le jury, donc publiable facilement. Son professeur à Paris-4, Yann Le Bohec, lui laisse carte blanche. Peu de temps après sa soutenance, elle est mise en relation avec Denis Maraval chez Tallandier. En 2013, le texte légèrement remanié est édité et aussitôt remarqué. "Je n’avais pas encore 30 ans et c’était le plus beau jour de ma vie."

Après une étude sur Agrippine, elle s’intéresse aujourd’hui à Théodora, l’ex-prostituée devenue impératrice de Byzance. "Elle exprime la volonté de s’extirper de son milieu. Si elle n’avait pas rencontré Justinien, elle n’y serait pas parvenue."

Voilà pourquoi cette féministe n’est pas très "Balance ton porc". Sur le fond, mais pas sur la forme, elle est d’accord avec la tribune signée par Catherine Deneuve dans Le Monde. Elle-même a écrit dans Le Point, le 18 janvier, qu’il fallait se méfier de la guerre des sexes et d’une certaine haine des hommes. "Celles qui vilipendent les femmes défendant la liberté sexuelle s’enferment dans les plus vieux clichés de la féminité." Voilà pourquoi elle préfère se référer à Théodora. "Son exemple devrait nous faire réfléchir. Elle n’est pas du côté des victimes, mais des battantes. Je trouve ces femmes antiques très inspirantes."

Après la parution de son premier livre, elle a proposé bénévolement à Michel Onfray ses services à l’Université populaire de Caen. "Il m’a répondu le soir même." Elle a donné plusieurs cours à des gens qui n’avaient pas facilement accès aux belles de l’Antiquité. "La démocratisation du savoir, c’est quelque chose qui me parle. Moi, je viens de l’autre côté du périph…" Laurent Lemire

 

Virginie Girod, Théodora. Prostituée et impératrice de Byzance, Tallandier, Prix : 21,90 euros, 300 p., Sortie : 8 mars, ISBN : 979-10-210-1822-8

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