Ce qui différencie sans doute la foi de la non-croyance, c’est le temps. Le temps profane est quantifiable comme de l’espace, il a plus à voir avec l’avoir que l’être, il s’accumule et se rentabilise, on le thésaurise comme de l’argent. Comme l’argent on a peur de le perdre, mais comme le sable il file entre les doigts. Le temps profane oublie souvent que notre temps n’a qu’un temps. Le temps sacré, lui, celui qui se déploie dans la liturgie, rappelle combien brève est notre course au regard du ciel. Le paysage naturel et spirituel que peint Pierre Adrian dans ce beau premier roman, Des âmes simples, est celui d’un temps suspendu, arrêté au cœur des Pyrénées, scandé par la prière et les visites à ses rares paroissiens d’un vieux "curé de campagne" aux accents bernanosiens.
Après La piste Pasolini, récit sur le réalisateur d’Accatone (éditions des Equateurs, prix des Deux-Magots et prix François-Mauriac de l’Académie française 2015), Pierre Adrian met en scène une rencontre entre deux mondes, deux époques, le jeune narrateur, enfant de la télé et de la consommation, et le vieux prêtre installé depuis un demi-siècle dans la vallée d’Aspe. Avec les portraits de ces "âmes simples", bergers qui ont perdu la foi ou pèlerins qui ont tourné le dos à leurs carrières d’antan, l’auteur, né en 1991, réussit un dialogue, auréolé d’une lumière de neige, entre le croyant et l’incroyant, ou plutôt l’agnostique qui ne se résout pas totalement à la vacuité et à la ténèbre. S. J. R.