Le noyau dur des entreprises d'édition résiste à la crise, mais la survie des petites structures est de plus en plus difficile, selon une étude réalisée par deux économistes, François Moreau et Stéphanie Peltier, pour le Syndicat national de l'édition où elle a été présentée jeudi 12 mars.
Il s'agissait de donner un panorama de l'édition, premier producteur de contenus culturels, mais en réalité un secteur peu connu car protéiforme, et souvent résumé à la seule production littéraire, a expliqué Vincent Montagne, président du SNE. Focalisée sur "Les ressorts de l'économie de la création", selon son titre, cette enquête permettra aussi au Syndicat d'étayer sa communication et son argumentation dans les négociations qui ont démarré à la Commission européenne sur la réglementation du droit d'auteur, pilier de l'économie du secteur.
Les deux économistes se sont notamment penchés sur la démographie des maisons d'édition, la partie la plus innovante de leur recherche. A partir des données de la base Electre (un des départements avec Livres Hebdo de la société Electre SA), ils ont analysé l'évolution depuis 1997 de 5 831 éditeurs actifs, qui ont publié au moins un livre par an.
Le secteur a perdu 613 structures
"25% d'entre eux ont été créés avant 1997, et 700 sont toujours présents en 2014. Sur les 74% créés après 1997, 42% survivent", précise François Moreau. "Dans l'édition, le taux de création d'entreprises a chuté depuis 1997, contrairement au reste de l'économie, tombant à 5,4% en 2013. Dans le même temps, le taux de survie à cinq ans des nouvelles structures ne cesse de se dégrader", indique la synthèse de l'étude. Ce double mouvement "entraîne une réduction de 18% du nombre de structures actives depuis 2010 (...) Le secteur a ainsi perdu 613 structures. L'émergence d'éditeurs pure players numériques (cent vingt éditeurs francophones environ) ne parvient pas à enrayer cette baisse".
Les premières victimes sont les entreprises de petite taille, qui ont publié trois à dix titres l'année de leur création. Les micro-maisons, qui n'ont publié qu'un ou deux titres, résistent mieux dans un premier temps, en raison du faible besoin en capitaux nécessaire pour la création d'une société d'édition, mais elles sont rattrapées par les difficultés au-delà de cinq ans. Elles connaissent alors un taux de disparition supérieur à celui de maisons plus importantes.
"Tout le bruit fait autour du numérique est sans commune mesure avec son poids économique, mais cela risque de changer. Il représente déjà 25% du chiffre d'affaire de l'édition juridique, et près de 30% du segment grand public aux Etats-Unis", prévient François Moreau.
La substitution du livre imprimé par le numérique n'est en rien confirmée pour le moment, nuance-t-il. Le défi immédiat est le rapport de force avec de nouveaux acteurs, multinationales géantes des nouvelles technologies dont la dimension dépasse de loin celle des plus grands groupes du secteur. "Face à ces entreprises dont le livre n'est pas le cœur d'activité, le contrôle des catalogues reste l'outil fondamental de l'édition", insiste François Moreau.