Le pitch de Ces jours qui disparaissent paraît annoncer un album concept, sur le mode des films hollywoodiens de série B. Un jeune homme, Lubin Maréchal, réalise soudain qu’il ne vit plus qu’un jour sur deux. Il est absent un jour sur deux du supermarché où il travaille. Il rate une partie de ses rendez-vous avec la troupe de cirque au sein de laquelle il est acrobate. Il finit par manquer aussi à son amie, Gabrielle. Le dessin très fluide de Timothé Le Boucher, visiblement influencé par le manga et par le travail de Bastien Vivès, donne la même impression. Mais le projet du jeune auteur né en 1988 et diplômé de l’Ecole européenne supérieure de l’image d’Angoulême, remarqué dès son premier album, Skins party (Manolosanctis, 2011), ne se réduit pas à sa dimension de parabole fantastique.
Car Lubin réalise peu à peu que, lors de ses jours d’absence, un autre lui-même prend sa place, s’appropriant peu à peu son corps et son environnement et leur donnant une orientation différente. Il observe aussi avec angoisse que ses absences s’allongent à deux puis trois jours, avant de se compter en semaines, en mois, en années. Est-il atteint de schizophrénie ? Ou bien en train de disparaître au profit d’un mystérieux double physiquement semblable mais psychiquement différent ? A travers ses contacts par éclipses avec ses amis, sa famille, et bientôt une psychiatre et l’amante de son double avec laquelle se noue une relation passionnante, mais aussi grâce au contact qu’il établit, par vidéos interposées, avec ce double, le jeune homme est conduit à s’interroger sur une identité mouvante et éventuellement multiple à une période de sa vie où il passe de l’adolescence à l’âge adulte. Une réflexion qui va se poursuivre, dans un monde lui-même en mutation, jusqu’à l’approche de la mort. Fabrice Piault