Entretien croisé

Legardinier/Pavlowitch: l’auteur et l’éditrice

Anna Pavlowitch et Gilles Legardinier - Photo Photos Olivier Dion

Legardinier/Pavlowitch: l’auteur et l’éditrice

Gilles Legardinier, qui a quitté Fleuve éditions, publie le 5 octobre chez Flammarion son nouveau roman. Au-delà du transfert, le romancier à succès et son éditrice, Anna Pavlowitch, lèvent le voile sur le processus qui a engendré Le premier miracle.

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Par Pauline Leduc
Créé le 30.09.2016 à 01h30 ,
Mis à jour le 30.09.2016 à 07h16

Après sept années passées chez Fleuve noir/Fleuve éditions, où il a connu un succès retentissant avec ses cinq titres aux célèbres couvertures de chats mêlant émotion et humour, parmi lesquels Demain j’arrête ! (2011) et Quelqu’un pour qui trembler (2015), c’est chez Flammarion que Gilles Legardinier publie le 5 octobre son nouveau roman, Le premier miracle. "Je n’ai pas changé d’éditeur pour l’argent, prévient d’emblée l’auteur, classé 4e des romanciers ayant vendu le plus de livres en 2015 selon Le Figaro. Je sais que, dans ce métier, il y a des jeux de mercato mais, dans ma situation, ce n’est pas le cas : j’ai claqué la porte de Fleuve parce qu’on était arrivés au bout du chemin ensemble." Le romancier n’en dira pas plus, soucieux de ne pas "accabler" son ancienne écurie. Il garde d’ailleurs "une tendresse particulière pour les gens de l’opérationnel". Si Gilles Legardinier se dit honoré d’entrer au catalogue Flammarion, ce n’est pas non plus parce qu’il a été attiré par le prestige de la maison, mais, selon lui, parce qu’il a eu envie de travailler avec Anna Pavlowitch.

Chez Flammarion depuis le début de 2015, l’actuelle directrice du pôle littérature générale et l’auteur se sont connus bien avant, dans les années 2000, chez J’ai lu. "On ne travaillait pas ensemble, mais on s’est tout de suite bien entendus humainement et nous avons construit au fil des années un rapport amical", raconte l’écrivain qui souhaitait, de longue date, collaborer avec sa nouvelle éditrice. "Gilles aurait pu aller partout, il a eu beaucoup de propositions mais il a choisi de publier là où il y avait une confiance mutuelle, sourit Anna Pavlowitch. Son arrivée chez Flammarion n’est pas le fruit d’une stratégie de développement éditorial, insiste-t-elle, mais celui d’une rencontre ; d’abord entre deux personnes, puis autour d’un projet fédérateur." Projet qui, après avoir conquis l’éditrice, a tapé dans l’œil des dirigeants de la maison.

"Offrir autre chose" aux lecteurs

Car Gilles Legardinier n’a pas, comme il le dit avec humour, "frappé à la porte de Flammarion pour faire un énième chat de plus". "Je porte Le premier miracle en moi depuis des années et même si l’étiquette "auteur de comédies" m’a réussi, je ne pouvais pas me contenter de ça", indique l’écrivain. Avec ce nouveau roman, qu’il vit comme un "aboutissement personnel", l’auteur souhaite "offrir autre chose" à ses lecteurs. Soit une intrigue haletante aux accents de roman historique, mêlant à parts égales suspense, émotion, aventure et humour, le tout porté par des personnages résolument humains.

"Toutes ces lignes de force, déjà présentes dans ses précédents ouvrages, se révèlent dans ce texte qu’on pourrait rapprocher de la comédie d’aventures", souligne Anna Pavlowitch qui tient à libérer l’auteur des "cases" dans lesquelles on a pu l’enfermer. "Dire que Gilles change radicalement de registre et arrête la comédie serait un non-sens pour moi, puisqu’il n’en a jamais fait à proprement parler", s’amuse-t-elle, pointant au passage les "malentendus" qui entourent l’auteur. "On a étiqueté ses titres "pure comédie" alors qu’ils n’ont rien à voir avec la narration qu’on retrouve dans ce genre, et on l’a défini comme un auteur grand public, ce qui n’est pas en soi un genre mais plutôt une conséquence."

Peu soucieux des étiquettes, Gilles Legardinier revendique "un rapport de sincérité" avec ses lecteurs, dont il espère qu’ils lui accorderont "une nouvelle fois" leur confiance, et ce malgré la disparition des chats emblématiques de ces derniers titres. "La vraie rupture se joue sur ce point et non dans le style de Gilles", estime Anna Pavlowitch, qui a accompagné et soutenu l’auteur dans son désir de changement. Ce dernier avait depuis longtemps en tête l’éclatante couverture du Premier miracle, aux allures "volontairement cinématographiques", qui laisse le rôle principal au titre et non à l’illustration, quitte à déstabiliser son lectorat habituel.

"Je n’ai pas le sentiment, et c’est peut-être l’innocence des naïfs, de me mettre en danger à partir du moment où je crois en ce que je fais." L’écrivain sait pourtant ce qu’il doit à ces félins grognons devenus, au fil de ses cinq best-sellers, indissociables de son succès. "Je me suis battu pour imposer le premier en couverture de Demain j’arrête ! et ils me l’ont bien rendu : cette identité très forte m’a clairement aidé au début, à tel point que, pendant un certain temps, beaucoup de mes lecteurs ne connaissaient pas mon nom et me ramenaient à ces couvertures", s’amuse Gilles Legardinier.

De nombreux fidèles

Le romancier s’est depuis amplement fait connaître et fédère autour de lui une large communauté de fidèles avec laquelle il entretient des liens étroits, notamment grâce à son site Internet et aux remerciements nourris qu’il lui adresse à la fin de chacun de ces romans. Pour que "leurs mots soient dans [ses] mots", l’écrivain a d’ailleurs fait réaliser une prouesse étonnante aux équipes de Flammarion : fabriquer à partir des milliers de lettres qu’il a reçues de ses lecteurs un papier recyclé avec lequel ont été imprimés les quelque 150 000 exemplaires du Premier miracle.

 

"Un gros enjeu"

Ce tirage considérable laisse, à défaut d’avoir les chiffres précis, imaginer le budget particulièrement important que la maison consacre à ce titre. "C’est évidemment un gros enjeu pour nous", confirme Anna Pavlowitch qui a orchestré avec l’auteur et les différentes équipes de Flammarion une campagne de communication dans les médias, commerces et transports. Pour accompagner au plus près le projet de Gilles Legardinier, "l’accent a été mis sur la découverte littéraire et non sur l’auteur, la couverture ou des arguments marketing", fait valoir l’éditrice, qui prend pour exemple la publicité en une de couverture du numéro de Livres Hebdo du 26 août dernier. "Nous avons choisi de mettre en gros plan un extrait du roman sans titre, image, nom ou logo d’éditeur ; l’objectif est de passer outre le phénomène d’édition Legardinier, pour revenir à l’essentiel, ses mots, son texte."

Parallèlement, la maison organise une grosse tournée de rencontres avec ses lecteurs, au cours de laquelle l’auteur sillonnera des dizaines de librairies jusqu’au mois de décembre. Malgré "la foi et l’énergie" investies, Anna Pavlowitch sait d’expérience que le succès d’un roman tient aussi à une part d’insaisissable "presque magique" qui ne se fabrique pas. "C’est ce qui fait que des milliers de lecteurs différents pourront avoir l’impression qu’un même livre a été écrit juste pour eux." Même si Le premier miracle n’opérait pas, Gilles Legardinier sait déjà qu’il publiera l’année prochaine un nouveau titre, Une fois dans ma vie. "Tout est déjà bien prévu, sauf l’éditeur : ça, ça dépendra d’Anna", s’amuse l’auteur.

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