S’il devait y avoir un vrai personnage historique plutôt que de faux monuments sur les billets en euros, Charles Quint serait la figure idoine. Empereur du Saint Empire romain germanique, roi d’Espagne, roi de Naples et de Sicile, duc de Bourgogne, comte d’Artois, etc., c’est le second Charlemagne. Né en 1500 à Gand, il régna, jusqu’à son abdication en 1555, sur une si vaste étendue du Vieux Continent qu’il fut prince de tout ou partie du territoire de chacun des six pays fondateurs de la Communauté économique européenne.
Italo-écossais
Lindsay Armstrong, ancien porte-parole de la CEE en France, a fait ses études à Bruges au Collège d’Europe, a travaillé à Bruxelles pour l’Agence Europe "qui éditait la bible des affaires européennes", ensuite à Paris pour le magazine européen Vision, puis de nouveau à Bruxelles comme correspondant d’un quotidien italien… Cet honnête homme italo-écossais né à Johannesburg en 1941, parfait civis europaeus, aurait pu écrire sur les défis de l’Union européenne mais, non, il a préféré se tourner vers un Européen du XVIe siècle !
"Charles Quint fut l’homme du compromis", explique-t-il. A la fois pragmatique et idéaliste, il espéra jusqu’au bout maintenir l’unité de son empire contre les assauts de François Ier ou de l’Empire ottoman et l’unité de la chrétienté déchirée entre Luther prêchant la rupture et l’Eglise catholique sourde aux critiques. Au fond, la fracture entre Nord protestant et Sud catholique demeure, et Lindsay Armstrong rappelle que l’homme de la Réforme allemand calculait déjà l’argent que soutirait l’Eglise romaine aux ouailles germaniques. Européen convaincu et contrarié, Lindsay Armstrong pourrait bien reprendre à son compte le propos de Mitterrand : "Le nationalisme, c’est la guerre." La guerre, toute l’histoire de sa famille. Côté maternel juif italien du Piémont, elle fut traquée par les fascistes ; côté paternel britannique, elle périt sous les bombes du Blitz. Lui-même est né de l’union d’une Italienne fuyant en Afrique du Sud et d’un Ecossais aventurier. A la séparation du couple, sa mère part avec lui à Gênes, il ne reverra plus son père. Lindsay Armstrong a éprouvé de la sympathie pour ce Charles de Habsbourg, très tôt orphelin de père, mais c’est après avoir visité le monastère de Yuste, en Estrémadure, où s’était retiré ce "prince universel" après son abdication, que l’idée d’une biographie a germé : "Sa demeure était d’une modestie tellement éloignée des magnificences de Chambord ou de Versailles que je suis devenu curieux du personnage. Petit à petit, en ne laissant inexplorée aucune vicissitude de sa vie d’homme d’Etat, son profil humain a surgi comme une photographie d’un bain d’acide : attachant !" Sean J. Rose
Lindsay Armstrong
Charles Quint, l’indomptable
Flammarion "Grandes Biographies"
Prix : 26 euros, 556 p.
ISBN : 978-2-0813-4652-9