Reportage

À Lyon, polar sans frontières

James Ellroy a initié les signatures debout - Photo Olivier Dion

À Lyon, polar sans frontières

100 000 visiteurs et 400 000 euros de ventes de livres : la 21e édition de Quais du polar, qui s’est close à Lyon dimanche 6 avril, restera dans les esprits, entre programmation internationale de haute volée et météo exceptionnelle. 

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Par Pierre Georges
Créé le 06.04.2025 à 19h59

« Je m’en fous du monde d’aujourd’hui, il ne me touche pas ». Dans une chapelle de la Trinité remplie à ras bord, James Ellroy fait le spectacle. Entre une diatribe contre Jean-Paul Sartre, des réflexions sur la rédemption chrétienne, sur Luther ou sur Marilyn Monroe, la superstar américaine s’en prend à des spectateurs qui le photographient ou quittent la rencontre plus tôt, hurle, harangue la foule… Un show qui a été l’un des innombrables temps forts de la 21e édition de Quais du Polar, qui s’est tenue à Lyon du 4 au 6 avril. 

Bien aidée par une météo exceptionnelle, la direction de la manifestation annonce une nouvelle fréquentation au-dessus des 100 000 personnes, avec un chiffre d'affaires des libraires en nette hausse s'établissant à 400 000 euros de ventes sur le week-end. Files d’attentes de plusieurs heures, salles de conférences bondées, rues de la presqu’ile lyonnaise noires de monde : dès le vendredi matin la capitale des Gaules était cette année plus que jamais la capitale mondiale du livre et du film noir. 

« Je pourrai attendre la journée s’il le faut », glisse une lectrice attendant devant une dédicace de Paula Hawkins. « Certaines rencontres attirent tellement qu’on doit refuser l’entrée à des dizaines de personnes », ajoute une bénévole avant une intervention de Marc Levy, venu parler dystopie, roman d’anticipation et censure aux États-Unis, thèmes réunis dans La librairie des livres interdits (Robert Laffont/Versilio). « Nous vivons dans un monde où l’on a plus peur d’un roman de Toni Morrison que d’un AK-47, c’est dire l’extraordinaire pouvoir des mots et des livres », lance-t-il.

Le public patiente dans les allées
Le public patiente dans de longues files d'attentes. Ici pour l'islandais Arnaldur Indridason (Métailié)- Photo OLIVIER DION

Toutes les frontières 

Le thème central des débats, cette année : les frontières, qu’elles soient géographiques, temporelles, sociales, politiques, littéraires voire invisibles. Pour en parler, 125 invités de 17 nationalités différentes, de Lisa Gardner à Douglas Preston, d’Eva Björg Ægisdottir à Deon Meyer en passant par Philippe Boxho

Un thème décliné dans les allées des deux points névralgiques que sont le Palais de la Bourse et l’Hôtel de ville, mais aussi et surtout dans 250 évènements organisés partout dans la ville (avec l’immense succès qu’est la Grande enquête), sur ses routes (avec les Bus des experts) sans oublier les dizaines de cinémas, bibliothèques, musées, universités, théâtres, et lieux plus insolites dans toute la métropole (Police scientifique d’Ecully, École nationale de police de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, Interpol…) et participants à l’insondable programmation du festival. 

Et tous les pros 

Tout aussi dense, la programmation de Polar Connection, le volet professionnel de Quais du Polar, a aussi déplacé les foules d’éditeurs, agents, réalisateurs ou traducteurs venus du monde entier. 

Une étonnante « joute de traduction » a ainsi opposé les traductrices Anna Postel et Catherine Renaud sur les premières pages de Skinn, roman de la suédoise Sara Strömberg pas encore publié en français. Les deux traductions, affichées côte à côte, ont révélé des choix stylistiques distincts et ont permis d’aborder les défis spécifiques à la traduction de polars, notamment le rythme et le contexte, ainsi que les nuances liées aux métaphores imagées et aux jeux de mots. « La traduction littéraire, c'est un être humain qui traduit un texte écrit par autre être humain », en a profité pour glisser Maïa Rosenberg de l’Association des traducteurs littéraires de France. 

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Eric Libiot (Ecran Total), Thomas Cantaloube (auteur) et Alex Berger (The Original Group)- Photo OLIVIER DION

Dans une étude de cas revenant sur la transformation de l'écrit en une « marque globale », de l'édition à la série en passant par l'escape game, Alex Berger, à la tête de The Originals Group, est lui revenu sur l'écriture de la série Le Bureau des légendes, mais aussi sur sa production et sa diffusion dans 120 pays. « Mon métier est de créer un engagement émotionnel fort autour d'un livre, et de l'exploiter le plus intelligemment possible », a-t-il résumé. « Ma mission est d'écrire un roman dans un écosystème beaucoup plus large que la simple édition », a ajouté Thomas Cantaloube, auteur des Mouettes (Fleuve noir).

Et de sessions de pitchs en présentation de catalogues, d'études de marchés en remises de prix (voir encadré), de rencontres internationales en festivités en tous genres, difficile de faire plus intéressant pour les professionnels venus en grand nombre à Lyon. Tous se donnent maintenant rendez-vous les 3, 4 et 5 avril 2026 pour une 22e édition qui devra faire très fort pour surpasser la 21e

Tous les prix remis à Quais du polar 2025

 

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