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Le bruit autour de l’arrivée de Netflix en France contraste avec le silence des médiathèques à propos de l’offre de VOD. L’enjeu commun est l’accès de la population à la production de films sur les écrans connectés (d’ordinateur ou de télévision).

Les bibliothèques sont devenues médiathèques dans un mouvement de continuité avec leur histoire. Elles ont simplement ouvert  leurs collections à de nouveaux supports. Les documents physiques restaient et elles détenaient une sorte de monopole public dans la proposition  de ces nouvelles sources d’information. Bien sûr, dans quelques endroits, les collectivités ont retardé la mise en place de fonds vidéo de façon à ne pas concurrencer l’existence des négoces de location de films. Mais leur disparition a levé les derniers tabous.  L’autre continuité résidait dans la légitime sélection des titres offerts au prêt. A l’instar des acquisitions de livres, celles des films reposaient (et reposent sans doute encore un  peu) sur l’évaluation de leur « qualité », laquelle était définie de façon plus ou moins souple par ceux en charge des choix.

Netflix et ses concurrents vont donc achever de rendre obsolète l’offre que les médiathèques ont pourtant essayée de constituer.  Les raisons en sont simples.

Netflix et les autres sont des acteurs (y compris illégaux) issus du monde du web. Elles inscrivent leur offre dans ce contexte c'est-à-dire là où les internautes vont à la recherche de vidéos. Il n’est nul besoin d’être inscrit à la bibliothèque pour y accéder.

L’offre en ligne correspond à la manière dont nos contemporains aspirent à visionner les films : pas de support, souhait de maîtrise des horaires de visionnage, accès à un large catalogue. Faute d’une mobilisation collective et centralisée, les bibliothèques n’ont pas réussi à constituer rapidement et largement une offre réellement concurrente.  Elles sont encore largement associées au livre et peu à la vidéo. Ces documents représentaient 3% des fonds et 10% des prêts d’après la synthèse de l’observatoire de la lecture publique sur les bibliothèques municipales en 2012. Les fournisseurs de vidéo (ADAV, CVS, etc.) qui vivent principalement des commandes de DVD pour les médiathèques  n’offrent que depuis peu des services de VOD. Du coup, les médiathèques ne sont pas vraiment perçues comme un acteur susceptible de proposer ce service non seulement chez ceux qui ne sont pas déjà usagers mais même chez ceux qui sont pourtant déjà membres. Elles ont perdu la bataille de la communication autour de cette offre.

Il est dès lors permis de s’interroger sur le bien-fondé d’une offre onéreuse de VOD  pour les médiathèques. Il semble d’ailleurs que les établissements qui proposent ce service ne voient pas exploser les chiffres du nombre de vues (n’hésitez pas à démentir cette impression si vos données contredisent cette impression).

A défaut d’être les premiers sur le créneau de la VOD, les médiathèques ne pourraient s’installer dans le paysage des pratiques des internautes qu’à la condition que l’accès soit financièrement avantageux pour les usagers.  Internet s’est développé dans une culture de gratuité (au moins apparente) qui se trouve aussi être idéalement celle des bibliothèques. Une autre condition réside dans la simplicité des procédures d’inscription. Mais c’est aussi et surtout la taille du catalogue et la place qu’il accorde aux blockbusters qui se révéleront déterminants. Aucune raison en effet que les choix soient différents de ceux que nous avions identifiés dans une enquête sur les vidéos les plus empruntés à savoir des films plutôt récents, plutôt d’animation et principalement anglo-saxons. La culture de la sélectivité observable dans les médiathèques à propos de la constitution des collections n’est pas en phase avec celle en vigueur dans l’univers d’Internet qui privilégie le bruit à la pertinence. Ce n’est donc pas la peine de proposer (comme cela existe) une sélection drastique de quelques films pour être vus en ligne. Les usagers préféreront (peut-être à tort) s’en détourner plutôt que de prendre le risque d’être déçus.

Netflix portera donc peut-être le coup de grâce à l’offre de VOD par les médiathèques. C’est une des interrogations de cette rentrée.  Les collections de DVD, qui ont reçu un certain succès, seront-elles les dernières traces modernes de la définition des bibliothèques par leurs documents ?
 

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