Intitulée "Un livre français : évolutions et impacts de l’édition en France", l’étude du Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic) présentée la semaine dernière devrait culpabiliser tout lecteur de la rentrée littéraire : la filière émet des gaz à effet de serre à un niveau très élevé, et ses profits se paient de coûts sociétaux exportés dans les pays du Sud. Les grands groupes sont particulièrement visés dans cette analyse, qui se focalise sur la fabrication du livre noir, non illustré.
"Environ 52 % du papier utilisé pour les romans et essais vendus en France sont importés, et 48 % sont fabriqués en France à partir de pâte à papier produite majoritairement à l’étranger, en particulier en Amérique du Sud", affirme l’étude, financée par la fondation Charles Léopold Mayer. Le Brésil est le premier fournisseur de pâte de bois d’eucalyptus, produit d’une monoculture forestière dommageable pour l’environnement.
"Le livre noir est imprimé sur du papier bouffant, importé dans sa quasi totalité d’Europe du Nord et de l’Est où il est produit à partir de forêts locales, dont l’exploitation est contrôlée", corrige Pascal Lenoir. Le directeur de la fabrication de Gallimard et président de la commission Environnement et fabrication du Syndicat national de l’édition (SNE) regrette de ne pas avoir été contacté par le Basic, et pointe de nombreuses erreurs ou approximations.
"Nous avons sollicité le SNE, qui nous a renvoyés vers ce qui est publié sur son site. Faute de données plus précises, nous avons dû nous appuyer sur les chiffres globaux du papier à usage graphique", explique Marion Muller, coauteure de cette étude, qui se défend de vouloir mettre l’édition en accusation. "Il s’agit d’analyser le fonctionnement de toute la filière du livre noir, ce qui n’a jamais été fait, et de donner un ordre de grandeur de ses impacts sociétaux pour montrer la nécessité du développement d’une exploitation durable", explique-t-elle.
L’étude, parfois imprécise dans ses citations (de chiffres du SNE, ou de Livres Hebdo), dénonce les dysfonctionnements du recyclage, la surproduction et le pilon, sans mentionner la forte réduction des volumes fabriqués, (750 millions d’exemplaires en 2007, à 553 millions l’an dernier), ou souligne une délocalisation de la fabrication vers l’Europe de l’Est qui ne concerne pas le livre noir. Elle ne mentionne pas plus que le livre ne représente que 5 à 7 % de la consommation de papier, et de l’activité de l’imprimerie. Une version plus complète et corrigée est promise pour la fin du mois. Hervé Hugueny