Les 26 magasins de Virgin Megastore, en redressement judiciaire, ont définitivement baissé le rideau mercredi "
pour des raisons de sécurité", a annoncé la direction à l'AFP, alors que
quatre d'entre eux étaient occupés par des salariés.
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Nous fermons les magasins aujourd'hui (mercredi)
pour des raisons de sécurité" concernant "
aussi bien les clients que les salariés", a déclaré une porte-parole de l'enseigne de distribution culturelle. La fermeture était prévue vendredi soir mais "
a été anticipée de deux jours en raison des occupations", a-t-elle ajouté.
La direction affirme que "
rien ne sera fait pour déloger les occupants": "
les entrées clients sont fermées, mais les sorties salariés habituelles restent ouvertes, ils peuvent entrer et circuler", a-t-elle expliqué.
Depuis hier soir, les magasins des Champs-Elysées et de Barbès à Paris ainsi que ceux de Strasbourg et Rouen sont occupés par des salariés, qui s'avouent épuisés mais motivés et déterminés. Ils demandent de meilleures conditions de départ. Le plan social prévoit un budget de 8 millions d'euros. Ils en réclament 15 millions pour pouvoir financer des formations.
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Nous sommes là pour avoir un avenir, obtenir ce qu'on demande depuis des mois, un plan social digne. Nous sommes déterminés, nous pouvons rester là 15 jours, trois semaines, un mois...", avait indiqué mercredi matin à l'AFP Frédéric Lebissonnais, un salarié syndiqué à la CGT du magasin des
Champs-Elysées. Dans le grand hall du magasin des Champs-élysées, banderoles et panneaux revendicatifs ont remplacé CD et DVD: "pas de PSE au rabais", "Lagardère (l'un des actionnaires), tu dois payer" ou encore "l'argent des soldes aux salariés". Des fauteuils sont disposés en cercle au pied d'un mannequin portant un gilet rouge et une pancarte: "Ici on solde nos vies". M. Lebissonnais explique : "
Nous avons reçu des duvets, nous refaisons la déco, nous commençons à nous organiser avec des plannings pour construire les équipes."
Les gilets rouges des vendeurs sont soigneusement rangés sur des cintres. Sur chacun d'eux sont inscrits au feutre noir le prénom d'un salarié ainsi que sa période d'activité dans l'entreprise: "Ci-gît Laurent 2005-2013", "RIP (Rest in peace, Repose en paix en français) Rachel 1989-2013", "RIP Laura 2011-2013" ou "RIP Stéphane 2002-2013".
Un employé du rayon rock âgé de 53 ans se dit "
très déçu de l'indifférence du monde du spectacle" ou "
des gens de la littérature, qui sont tous venus ici dédicacer leurs bouquins depuis 30 ans". Pour lui, la fin de Virgin reflète "
un nivellement par le bas" car "
tout ce qui est 'biens culturels' n'est plus une priorité".
Dans les autres magasins, les employés paraissaient sonnés: "
Une collègue m'a appelé alors que j'étais en pause déjeuner, il était 14H50. On venait de l'annoncer en 'conf call' (appel en conférence, ndlr) à tous les directeurs. On a eu dix minutes pour fermer le magasin, c'est incroyable!" a ainsi témoigné Guillaume Colié, un salarié de l'enseigne du centre-ville de
Marseille. "
Encore une preuve de mépris, une aberration sociale, une gestion humaine catastrophique!" a ajouté M. Colié.
Des salariés du magasin de Marseille sont engagés dans un projet de Scop. Mais pour l'heure, seul le président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) a marqué son intérêt pour ce projet, a précisé mercredi M. Colié.
A
Rennes, le magasin a aussi baissé le rideau, selon des salariés sur place. L'un d'eux, Romain, a expliqué que les employés du magasin avaient reçu un message de la direction leur disant: "
Vous cessez de travailler immédiatement et vous quittez les lieux." "
On n'a eu aucune explication", a-t-il dit.
Le magasin de
Strasbourg, occupé, a fermé aux alentours de 15H00, a indiqué à l'AFP Elsa Becker, salariée gréviste. Une dizaine d'employés sont restés à l'intérieur après la fermeture, et certains ont exprimé leur volonté de poursuivre l'occupation des locaux dans la nuit de mercredi à jeudi.
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Le tribunal statue lundi et, à partir de là, l'interlocuteur des organisations syndicales, c'est le mandataire judiciaire, ce n'est plus la direction de Virgin", a expliqué la porte-parole de l'enseigne.
Le tribunal de commerce de Paris doit examiner lundi la liquidation judiciaire de la chaîne de 960 salariés, qui semble inévitable après
le rejet de deux offres de reprise. Virgin est placé en redressement judiciaire depuis le 14 janvier.
Le tribunal avait mis un terme lundi à tout espoir de reprise, en rejetant deux offres, l'une émanant du spécialiste des loisirs créatifs Cultura et l'autre de Vivarte, groupe multi-enseignes de prêt-à-porter.
Dans le magasin des Champs-élysées, une pancarte affirme: "
Dans un an... 48% des salariés n'auront pas retrouvé d'emploi et vivront sous le seuil de pauvreté".