Rentrée d'hiver 2022

Anna Kavan, « Des machines dans la tête » (Cambourakis) : Le début d'une carrière

Anna Kavan - Photo DR

Anna Kavan, « Des machines dans la tête » (Cambourakis) : Le début d'une carrière

Oubliée de l'histoire littéraire, Anna Kavan, romancière, nouvelliste et critique, a multiplié les formes d'écriture au cours d'une existence marquée par la dépression et les addictions. Tirage à 2000 exemplaires.

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Par Marie Fouquet,
Créé le 14.01.2022 à 19h28 ,
Mis à jour le 16.03.2022 à 17h41

« Je trouve à la fois étrange et triste que ces années d'enfance n'aient mené qu'à ça - à être oubliée de tous, le visage ravagé, au service d'une machinerie dans un lieu si loin du soleil. » Négligée en son temps par ses pairs, l'œuvre d'Anna Kavan (1901-1968) est mise en lumière plus de 50 ans après sa mort. L'écrivaine, en architecte des mots, avait le talent particulier de restituer la dimension du rêve, à la lisière entre fiction et réalité, dessinant des univers proches de la SF, du fantastique, du kafkaïen. Ses récits résonnent parfois comme des machines, des robots, métalliques, au son cristallin. Pourtant, l'auteure n'aurait su mieux traduire l'intensité des troubles existentiels traversant ses personnages.

Née Helen Woods à Cannes de parents britanniques aisés, elle est abandonnée en Californie avec sa mère, par un père qui se suicide sur le bateau de sa fuite. Elle est ensuite accueillie dans un pensionnat en Angleterre avant de se marier à 19 ans avec un homme de 10 ans son aîné - Ferguson, dont elle empruntera le nom pour signer ses premiers écrits -, puis une seconde fois avec un artiste infidèle, ce qui la poussa à une première tentative de suicide. Depuis l'enfance, elle connaît des périodes de dépression. Désormais sa vie sera ponctuée par des internements à l'asile - « cette vieille adresse » -, des traitements psychiatriques, et une addiction à l'héroïne probablement liée à la morphine prescrite pour soigner des douleurs. La psychiatrie est un thème qui traverse la diversité des genres explorés par Anna Kavan, de la fiction aux articles de presse. Dans « Le Cas Bill William », article paru dans le magazine Horizon, Kavan décrit un cas névrotique que la « machine sociale » transformerait en « de l'anti-individuel, du standard, de l'impersonnel, du stérile, du sans-défaut, un matricule ». Elle dégage ainsi une vive critique du monde capitalo-industriel tout en mettant en avant le profil d'un outsider « en faveur d'un univers propice à l'homme, non à la machine. [...] Ce que la société veut, c'est le matricule, et non l'homme. »

Il lui a notamment été reproché de ne pas suffisamment approfondir ses personnages. C'était compter sans la puissance des formes brèves réunies dans ce recueil, et de leur force à saisir l'immédiat, à exposer à nu et à faire jaillir des archétypes, des topos, des scènes aux dimensions mythiques.

Anna Kavan
Des machines dans la tête Traduit de l'anglais par Lætitia Devaux
Cambourakis
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 22 € ; 272 p.
ISBN: 9782366246353

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