Musique

Résultat d'une mutation technologique incontournable ou signe de l'abandon de tout un domaine culturel ? De plus en plus nombreuses sont les nouvelles bibliothèques qui décident d'ouvrir sans collection de disques compacts. La plupart optent à la place pour des bornes d'écoute musicale, mais dans quelques établissements, la musique est tout simplement absente. Une situation jugée préoccupante par certains bibliothécaires, et qui a conduit l'Association pour la coopération des professionnels de l'information musicale (Acim) à publier le 21 juin, date symbolique, un manifeste intitulé "La musique a toute sa place en bibliothèque". "Derrière la multiplication des ouvertures de nouvelles médiathèques sans CD se cache, à notre avis, l'arrière-pensée d'évacuer peu à peu la présence de la musique, quel que soit le support, s'inquiète Xavier Galaup, président de l'Acim et auteur du manifeste. Or, dans certaines zones où il n'y a plus de disquaire et où le rayon CD des grandes surfaces est ridicule, la médiathèque devient le dernier lieu à proposer une diversité musicale. »

Friands de musique en ligne

La première raison qui incite les responsables de futurs équipements à renoncer à constituer des collections de disques est la perspective que ce support n'en a plus pour longtemps à vivre. A cela s'ajoutent la diminution globale des prêts et une mutation des comportements des usagers, qui seraient désormais plus friands de musique en ligne et de téléchargement. Dans un tel contexte, il n'est pas facile d'être convaincu, et de convaincre ses élus, de l'intérêt d'investir des sommes non négligeables dans le CD. Sur le terrain, la réalité se révèle plus complexe. "Les disques représentent toujours 20 % en moyenne des prêts globaux, rappelle Xavier Galaup. Soit nettement plus que la poésie ou le théâtre. »

Principal écueil pour les bibliothèques qui renoncent aux disques : l'offre alternative, à savoir la musique en écoute en ligne ou sur des bornes, n'est pas vraiment au point. Le téléchargement, complexe et fastidieux, cède peu à peu la place à l'écoute en streaming. Certaines expériences sont fructueuses : la médiathèque de Gradignan a fait de sa borne "Automazic", qui propose à l'écoute et en téléchargement des musiques sous licences libres, un véritable outil de médiation. Plus récemment, le service de musique en streaming proposé depuis mai 2010 conjointement par les bibliothèques départementales du Bas-Rhin et du Haut-Rhin se taille un joli succès avec 650 inscrits et 45 000 écoutes totalisées dès les premiers mois de fonctionnement. Mais ces offres dématérialisées ne recouvrent en aucun cas la diversité des catalogues des maisons de disques.

Peu concluant

A la médiathèque d'Oullins, ouverte en octobre 2010, le choix de bornes d'écoute à la place de disques apparaît peu concluant. L'idée de départ était de créer une complémentarité entre les trois bibliothèques de l'intercommunalité. Comme un fonds de CD existait dans l'un des établissements, Oullins avait opté pour la musique dématérialisée. "Les gens sont déçus de ne pas trouver de CD dans un équipement récent comme le nôtre, reconnaît Maurice Balmet, responsable du secteur image et son de la médiathèque d'Oullins. Contrairement à ce que nous pensions, ils ne se déplacent pas sur l'autre site pour emprunter des disques. » Consciente du problème, la municipalité réfléchit actuellement à diverses solutions, y compris constituer finalement un fonds de CD !

Tout cela apporte de l'eau au moulin du président de l'Acim : "Tant que le support CD existera, nous pensons que les médiathèques doivent en acheter, tout en prenant le tournant numérique pour proposer une offre musicale hybride."

A moins d'inventer de nouvelles formes de médiation autour de la musique ? Dans la médiathèque du Kremlin-Bicêtre qui ouvrira fin 2012, il n'y aura pas de CD, question de choix idéologique et financier. Mais la musique sera pourtant bien valorisée avec des bornes d'écoute, un fonds de partitions, des concerts et des animations, le tout concrétisé dans un espace musique, géré par un bibliothécaire spécialisé. "On veut un espace physique bien identifié et ne pas faire l'erreur commise dans d'autres établissements où la musique n'avait plus de visibilité », s'enflamme la jeune directrice du futur équipement

15.04 2015

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