Intitulé «La Googlisation de la France», un câble envoyé de l'ambassade des Etats-Unis à Paris au Secrétariat d'Etat américain résumait en décembre 2009 le différend opposant le moteur de recherche américain au monde du livre français. Il a tout juste été exhumé le 24 août par Olivier Tequest, journaliste à Owni.fr, un site qui trie et répertorie notamment les centaines de milliers de documents du ministère américain des affaires étrangères publiés depuis plusieurs mois par WikiLeaks, et il a été signalé par Olivier Tabaka, bloggeur curieux et directeur des affaires juridiques de Price Minister.
C'est à lire (en anglais)A partir d'une consultation attentive de la presse, l'observateur de l'ambassade synthétise la polémique qui a
«enragé» les milieux culturels français à la suite de la révélation par
La Tribune des discussions engagées entre Google et la Bibliothèque nationale de France, au sujet d'une possible numérisation des fonds de l'institution. Il a aussi pris soin de compléter les propos publics par quelques entretiens avec le staff de Google ainsi que l'indique ce câble, confirmant la bonne intelligence des relations entre l'administration et les grandes entreprises américaines, mais aussi avec le ministère de la Culture.
Le rapport s'emmêle un peu sur la chronologie du procès en contrefaçon intenté par les éditeurs, sur l'orthographe du nom de Marc Tessier, missionné pour un rapport déminant cette question de numérisation, mais ne manque pas les rencontres entre Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, et David Drummond, senior vice-president de Google, et entre ce dernier et Patrick Zelnick, à la tête d'une autre mission sur la «création et Internet», qui avait notamment recommandé l'instauration d'une «taxe Google».
Il se moque légèrement des ambitions affichées alors par le consortium Polinum, qui veut concurrencer Google dans la numérisation mais ne dispose que de quatre millions d'euros, et confond la bibliothèque de l'université de Lyon avec celle de la ville, partenaire de Google.
Il note toutefois un assouplissement de la position française, ramenée au réalisme en raison du coût de la numérisation des fonds de la BNF, estimée à 1,5 milliard de dollars par les pouvoirs publics, et par la bonne volonté patiente de Google, prêt à créer des emplois et déverser quelques dollars en France pour ses projets de numérisation de vieux livres.
Comme le jugement condamnant Google pour contrefaçon venait tout juste de tomber, motivant sans doute cette attention de l'ambassade pour une entreprise américaine ainsi maltraitée, le câble concluait toutefois que
«les ennuis de Google en France ne sont pas terminés».
La transaction annoncée le 25 août entre La Martinière et le moteur de recherche indique que les choses ont progressé depuis.