Derrière l’expression "vieux comme Hérode", on a retenu vieux et on a oublié Hérode. Mireille Hadas-Lebel ravive notre mémoire dans cette biographie qui chemine entre grandeur et cruauté. Car du roi des Juifs, on sait peu de chose. Pour l’essentiel, elles proviennent des Antiquités juives de Flavius Josèphe qui a puisé ses informations chez Nicolas de Damas dont l’œuvre a quasiment disparu. Professeure émérite d’histoire des religions de Paris-Sorbonne, elle connaît son sujet. Depuis son Flavius Josèphe (Fayard, 1989) jusqu’à son Histoire du Messie (Albin Michel, 2014), cette spécialiste réputée du judaïsme à l’époque hellénistique et romaine n’a cessé d’approfondir notre connaissance d’une période où les faits sont imbriqués entre les mythes au point de s’y confondre.

Grâce aux textes et à l’archéologie, elle raconte le long règne - de 37 à 4 avant J.-C., parsemé de crimes de ce monarque dément qui a su s’accorder les grâces d’Auguste. Il n’oublie jamais qu’il est un "roi-client" de Rome. Le roi des Juifs ne rêve d’ailleurs que de cultures grecque et romaine. Il aime les stades, les jeux, les palais et les temples. On lui doit la reconstruction de celui de Jérusalem. Comme les Romains, il apprécie le garum, une sorte de nuoc-mâm qui constitue une des bases de la cuisine antique.

Mais cet homme tiraillé entre l’hellénisme et le judaïsme l’est aussi entre la raison et la folie. Ce paranoïaque conduit au supplice Mariamne, la femme qu’il aime, de peur qu’elle n’exerce un pouvoir sur lui. Après son exécution, il crie son nom dans les somptueux palais qu’il a fait construire. Car ce roi immensément riche est un bâtisseur de ports (Césarée), de citadelles (Massada), de cités (Jérusalem). Mais il ne peut s’empêcher aussi de creuser sa tombe par la crainte de perdre son trône. Il condamne ses deux fils et gouverne par la terreur avec sa sœur Salomé. Seul le "massacre des Innocents" rapporté dans l’Evangile de Matthieu n’eut pas lieu durant ces trente-trois ans de folie et de grandeur.

Entre Hérode le grand et Hérode le cruel, Mireille Hadas-Lebel ne tranche pas. Mais elle donne tout de même quelques éléments sérieux sur la tyrannie de ce monarque détesté par son peuple. Hérode est sans nul doute très ancien. Mais pas aussi vieux qu’on le prétend. Laurent Lemire