Numérique

Le statut juridique des NFT (1/2) 

Le statut juridique des NFT (1/2) 

D'extraits de films de Quentin Tarantino à un tweet de Jack Dorsey, de grandes marques à l'audiovisuel, tout le monde se jette sur ces jetons monétisés. Mais quelle est la nature des NFT ? Quel est leur statut ? Et quelle fiscalité leur est applicable?

Les NFT intriguent ou occupent, depuis quelques mois tous les esprits du milieu de la culture. Et sont déjà au cœur d’un procès entre Quentin Tarantino et Miramax, soulevant de multiples interrogations sur leur statut juridique. C’est le 11 mars 2021 qu’un collage numérique vendu sous forme de jeton non fongible (en anglais Non Fungilble Token, dit aussi NFT), réalisé par l’Américain Beeple, a été adjugé pour 69,3 millions de dollars par la maison de vente Christie’s. Il s’agissait alors de la plus grosse vente de NFT jamais réalisée et elle a fait entrer le monde de la culture dans une nouvelle ère. 

Mais l’engouement pour les NFT ne s’arrête pas au marché de l’art. Car, en théorie, aujourd’hui, tout peut être représenté sous forme de NFT ou tokenisé : ainsi, le premier tweet de Jack Dorsey, fondateur de Twitter, a été vendu en mars 2021 sous forme de NFT pour la somme de 2,9 millions de dollars. Citons encore la plateforme NBA Top Shot qui permet d’acheter des extraits de match de basketball sous forme de NFT.  

Les grandes marques s’y mettent à leur tour : Gucci, Louis Vuitton ou encore McDonalds, lequel a commercialisé des NFT représentant ses produits iconiques (Big Mac, sundae…).  Le monde de l’audiovisuel n’est pas en reste. En novembre 2021, le réalisateur Quentin Tarantino annonçait la vente d’extraits inédits de son film « Pulp Fiction » réalisé en 1994, sous la forme de NFT. Une telle annonce lui a valu une plainte en contrefaçon de la part du studio Miramax titulaire des droits d’exploitation sur l’œuvre.  Cette affaire judiciaire oblige à se pencher sur le statut juridique des NFT. Quel régime leur est applicable ? Qui est légitime à émettre des NFT ?
 
Au commencement, la blockchain 
 
Les jetons s’appuient sur la blockchain, une technologie de stockage et de transmission d’informations, qui permet de conserver et de transmettre des informations en toute transparence et sécurité. 
Son fonctionnement est comparable à un registre comptable qui prend en note l’intégralité des transferts entre détenteurs en toute transparence avant de les conserver sous forme cryptée, garantissant ainsi leur inviolabilité. 
Le plus séduisant dans cette technologie, c’est la « désintermédiation » totale des échanges entre utilisateurs. Là où, par exemple, un virement bancaire traditionnel passerait de banque en banque, dans le cas de la blockchain, il n’y a aucun tiers de confiance et c’est l’ordinateur, sans intervention humaine, qui encadre la transaction sous la forme d’un smart contract. 
A l’heure actuelle, les deux systèmes blockchain les plus utilisés sont le Bitcoin et l’Ethereum au travers desquels se déroulent la grande majorité des échanges. 
 
Le fonctionnement des NFT
 
Un NFT est un jeton numérique unique, certifié par la blockchain, qui a pour particularité d’être non fongible : ses caractéristiques propres le rendent unique si bien qu’il ne peut être remplacé ou substitué par un autre jeton. A contrario, un jeton est dit fongible lorsque celui-ci peut être remplacé par un équivalent de même nature. Par exemple, les cryptomonnaies sont des jetons fongibles, un bitcoin peut être échangé contre un autre bitcoin qui a la même valeur. 
Le NFT fonctionne via un smart contract déployé sur une blockchain telle que l’Ethereum, qui permet d’encadrer l’ensemble des modalités contractuelles : vente, échanges ou même potentiellement cession de droits patrimoniaux de l’auteur. 
 
L’explosion des NFT nous force à repenser notre rapport à l’art, à la propriété et au numérique. 
 
Le monde digital est fondamentalement reproductible, sa forme dématérialisée permettait de copier n’importe quelle œuvre, texte ou faire des captures d’écran en quelques clics. Le monde numérique méconnait les notions de propriétaire et d’œuvres originales. 
En théorie, l’œuvre numérique attachée à un NFT peut donc être aisément copiée et reproduite à l’infini. Mais c’est là toute la révolution qu’entraîne le développement des NFT. Les jetons non-fongibles ont introduit de l’unicité dans l’univers numérique. 
Cette unicité n’est pourtant pas un frein à l’accès aux œuvres, tout le monde peut continuer de contempler les œuvres attachées à un NFT.
Le NFT viendra seulement distinguer l’exemplaire unique. C’est cette unicité, fictive, qui créée la valeur du jeton. On comprend dès lors l’engouement des créateurs d’art numérique, mais aussi des vidéastes, réalisateurs et studios de production pour ce domaine.  
 
La difficile définition du jeton 
 
Il faut bien admettre que le droit est encore incertain concernant les actifs cryptographiques. Le 15 avril 2021, au travers d’une question écrite au Gouvernement, le sénateur Jérôme Bascher soulevait le flou juridique sur le statut des NFT et la fiscalité qui leur était applicable. Cette question mettait en avant la double nature du NFT : s’agit-il d’un actif numérique ou d’une œuvre d’art ? 
La position du Gouvernement sur cette question est toujours attendue. 
Le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique a confié, le 2 novembre dernier, une mission sur les NFT à mon confrère Jean Martin qui doit rendre ses conclusions en juin prochain. Gageons que, d’ici-là, les NFT auront à nouveau fait largement la une de l’actualité culturelle… 
Pour l’heure, livrons-nous à l’étude de quelques perspectives. 
 
(à suivre)
 

Les dernières
actualités