Droit

Les contrats d'édition et le rapprochement d'Hachette et d'Editis

Les contrats d'édition et le rapprochement d'Hachette et d'Editis

Un auteur peut-il rompre son contrat d'édition ? Et comment ?

 

 

 

 

La perspective de plus en plus probable et proche d’un passage d’Hachette dans le giron de Vincent Bolloré provoque des inquiétudes au sein du Syndicat National de l’Edition et des  tribunes inquiètes d’auteurs publiées dans la presse nationale.

Et certains de dire qu’ils refuseront de signer de nouveaux ouvrages au sein du futur empire quand d’autres, un peu plus lucides, pointent l’absence de disposition juridiques leur permettant de rompre leur contrat d’édition ; 

Rappelons que le législateur a prévu, aux alinéas 2 et 3 de l’article L. 132-16 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) :

« En cas d’aliénation du fonds de commerce, si celle-ci est de nature à compromettre gravement les intérêts matériels ou moraux de l’auteur, celui-ci est fondé à obtenir réparation même par voie de résiliation de contrat.

Lorsque le fonds de commerce d’édition était exploité en société ou dépendait d’une indivision, l’attribution du fonds à l’un des ex-associés ou à l’un des co-indivisaires en conséquence de la liquidation ou du partage ne sera, en aucun cas, considérée comme une cession. »

Démonstration du préjudice

L’auteur peut donc toujours tenter de s’opposer à la cession de son contrat même à l’occasion d’une cession par son éditeur d’origine de toute une « écurie ».

Les juges examinent cependant très sévèrement les contestations soulevées par les auteurs et leur demandent une véritable démonstration du grave préjudice qu’ils subiraient en cas de « transfert ».

Mais il reste toutefois possible pour l’auteur de faire simplement figurer dans le contrat une clause aux termes de laquelle celui-ci ne sera pas cédé avec le fonds de commerce.

La plupart des auteurs croient pouvoir invoquer une sorte de clause de conscience – ce dispositif propre à la presse -, au motif que leur entreprise a changé de propriétaire ou de politique. Légalement, ce régime est propre au domaine de la presse.

En effet, l’article L. 7112-5 du Code du travail envisage expressément « la rupture du contrat de travail (…) à l'initiative du journaliste professionnel (…) lorsque cette rupture est motivée par l'une des circonstances suivantes :

1° Cession du journal ou du périodique ;

2° Cessation de la publication du journal ou périodique pour quelque cause que ce soit ;

3° Changement notable dans le caractère ou l'orientation du journal ou périodique si ce changement crée, pour le salarié, une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d'une manière générale, à ses intérêts moraux. »

Clause de transfert

Dans le milieu de l’édition, se pratique parfois l’insertion dans le contrat d’édition d’une clause liant un éditeur et un auteur, permettant à celui-ci de suivre son interlocuteur dans une nouvelle maison. Il ne s’agit toutefois que d’un accord qui échappe au statut de salarié, et qui ne relève pas juridiquement de la clause de conscience.

Mais la Cour de cassation a reconnu la validité de cette clause de conscience dans tout autre secteur que le journalisme, si elle a été précisée par contrat.

Le 28 janvier dernier 2011, les hauts magistrats ont validé la « clause de changement de contrôle » qu’un Chief Perfomance Officer avait négociée à son arrivée chez Havas. L’arrivée de Vincent Bolloré à la tête de l’entreprise avait poussé l’intéressé à faire jouer sa clause.

Et la justice en a entériné le principe, prévoyant 21 mois de salaire d’indemnité de rupture (soit près d’un million d’euros).

Depuis cette décision, la clause est à la mode dans les contrats des cadres les plus puissants, directement affectés par les prises de contrôle brutales et préjudiciables à leur carrière.

Droit de retrait

Enfin, le CPI accorde à l'auteur une prérogative morale véritablement extraordinaire du droit commun qui permet à un écrivain de faire disparaître un livre du catalogue d’une maison d’édition.

Il s'agit du « droit de retrait ou de repentir ». Grâce à ce droit, l'auteur peut revenir sur la publication de son œuvre. En dépit de tout engagement contractuel, il peut choisir de reprendre son manuscrit et, si l’œuvre est déjà publiée, d’en arrêter la commercialisation. Ce droit exorbitant est bien entendu fortement encadré : d'une part, l'auteur est tenu d'indemniser l'éditeur du préjudice subi ; d'autre part, l'auteur ne peut exercer cette prérogative exceptionnelle que pour des raisons purement morales.

Toutefois, pour le cas où l’écrivain reviendrait sur sa décision, il est tenu de proposer à nouveau son œuvre au même éditeur avant tout autre, et aux mêmes conditions que précédemment conclues.

Bref, au-delà de la pétition et de la manifestation, guère de salut pour les auteurs ne disposant guère d’un droit de grève et qui s’estiment en danger.

 

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