21 septembre > Histoire Italie > Carmine Crocco

Souvent, dans leurs Mémoires, les brigands minimisent leurs faits. Pas lui. Dans une Italie livrée aux trépidations du Risorgimento, ce jeune berger devient le chef de la plus puissante bande armée de Basilicate dans les années 1860. A la tête de plus de deux mille hommes, il terrorise la région méridionale.

Celui qui ne croit ni en la patrie, ni en la loi va se ranger sous la bannière de Garibaldi avant de rejoindre la réaction bourbonienne de François II, le dernier roi des Deux-Siciles qu’il déteste, mais dont il devient général. Son modèle, c’est Napoléon qui devint un grand homme "en massacrant des millions de personnes". "Comme moi, il finit sa vie prisonnier, lui surveillé à Sainte-Hélène par des soldats anglais, moi dans le bagne de San Stefano sous l’œil sévère des sentinelles de l’armée italienne." C’est là qu’il écrit cette autobiographie en prévenant son lecteur : "N’espère pas trouver dans ces écrits de quoi réjouir l’âme humaine, mais bien plutôt de quoi l’affliger et l’épouvanter."

Pour venger sa mère outragée qui finit dans un asile d’aliénés, Carmine Crocco (1830-1905) décide de "faire couler des torrents de sang". Sa mère, très présente dans ce récit, le voit en serpent lorsqu’il se rend à son chevet. "Quand je donnais la mort à ceux qui imploraient ma pitié, c’étaient les tourments que ma mère avait endurés qui attisaient ma cruauté." Il assume désormais la terreur qu’il inspire et se mêle aux insurgés de la révolte paysanne pour mettre un peu de politique dans son pillage. "Je vivais d’agressions, de tributs et parfois de meurtres." Hors-la-loi, il est surtout hors de lui. Son récit porte la marque de son exaltation. "Je grandis avec le cœur plein de venin, avec la cervelle pleine de rage, avec le vif désir de nuire."

Dans sa prison, il se repend, mais ne s’explique pas pourquoi il fut cet être venimeux. Combattre l’injustice et la misère ne fut pas sa seule motivation. Il est en Italie un personnage toujours controversé, comme ce témoignage à manier avec précaution. Mais il apporte en tout cas quantité de renseignements sur les brigands, les batailles et surtout sur la vie quotidienne dans cette Italie à peine unifiée. "Je n’ai jamais compris comment fonctionne la société humaine", conclut-il dans cette geôle où il passera les trente-cinq dernières années de sa vie. L. L.

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