Il n'est pas fréquent que les bibliothèques municipales fassent la une de la presse nationale... France-Inter a mis en avant un moment de vie inhabituel à la Bibliothèque francophone multimédia de Limoges. Une vidéo amateur témoigne de cette audace rafraîchissante : un bibliothécaire (Ryan Lafarge), danseur et connaisseur de M. Jackson se lance dans une chorégraphie réussie de « Billie Jean » à travers l'espace de la médiathèque. Le succès médiatique de ce « happening » tient au nouveau visage que la médiathèque donne d'elle-même. La qualité de l'interprétation associée à l'étrangeté de la situation suscite très vite l'intérêt des usagers. Venus avec leur propre objectif, ils sont pris par une émotion collective. M. Jackson est mort et si chacun compose avec cette information (indifférence, peine, nostalgie, etc.), un hommage   collectif lui est rendu. Mais celui-ci ne prend pas la forme rationnelle d'une discographie, d'une mise sous vitrine mais une forme incarnée, sensible. La froideur de la mise à distance intellectuelle cède la place à la chaleur de l'émotion partagée autour d'une musique et d'une danse dont le créateur vient de s'éteindre... L'émotion collective a acquis le droit de cité dans la médiathèque et tant les usagers que les médias s'en réjouissent. Bien sûr certains bibliothécaires déploreront cette soumission de la bibliothèque au « sensationnalisme », l'abandon de toute distance critique et pourquoi pas une forme de démagogie voire de populisme... Au contraire, on peut y voir une salutaire reconnaissance de la « culture chaude » par la bibliothèque. La culture peut aussi prendre cette forme susceptible de toucher tous les publics y compris les plus familiers des codes de la culture froide (classement, critique, discours, mise à distance, etc.). L'universalité de la raison n'exclut pas d'autres formes... L'émotion collective naît de la forme de l'événement mais aussi de son sujet. M. Jackson apparaît comme une figure planétaire de la musique pop. Il n'a pas toujours bénéficié de discours aussi élogieux que ceux qui s'accumulent depuis sa disparition. La bibliothèque lui accorde une réelle reconnaissance à travers cette décision de troubler l'ordre du lieu même si c'est un quart d'heure avant la fermeture. Par ce geste, elle signale sa participation au monde et tend la main à ceux qui n'imagineraient pas qu'elle puisse s'intéresser à ce type de référence. Oui, la bibliothèque vous est aussi destinée ! C'est donc une formidable opération de communication que la bibliothèque de Limoges a réussi et qui bénéficiera aux bibliothèques dans leur ensemble. Elle s'inscrit dans un mouvement de renouveau qui commence à traverser le monde des bibliothèques en France. Il reste encore de nombreux chapitres à écrire...
15.10 2013

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