Général byzantin déchu et réduit à la mendicité, conventionnel « ami du peuple » assassiné, frères liés jusqu’à la mort au service de la patrie… De Bélisaire demandant l’aumône (1781) à La mort de Marat (1793) en passant par Le serment des Horaces (1785), David est le peintre de l’idéal révolutionnaire et des vertus républicaines. Esthétiquement, l’artiste incarne le néoclassicisme en France, mouvement en réaction au rococo illustré par un François Boucher.

Homme de son temps, David est fils des Lumières et champion de la Révolution - il s’engage en politique, devient député et vote la mort du roi ; du point de vue artistique, il s’inscrit dans cette mouvance de redécouverte de l’Antiquité initiée par le théoricien du néoclassicisme Winckelmann. Chez David, l’idéalisme est étayé par l’étude de vestiges archéologiques, et le réalisme garde une beauté idéale. Comme Poussin, ce parangon du classicisme, David, malgré une certaine austérité des lignes qui vise à l’efficace du sujet traité, sait émouvoir. Que ce soient ces Sabines tentant d’empêcher l’affrontement entre Sabins et Romains ou leur « pendant » masculin emblématique de la valeur morale Léonidas aux Thermopyles, ces grands tableaux, pour toute l’idéalité des corps de guerriers nus et la chorégraphie géométrique de la mise en scène, dégagent le pathos du sacrifice.

Mais David fut également l’artiste officiel de Napoléon : le peintre du Serment du Jeu de paume eût-il apostasié sa foi révolutionnaire, bradé ses convictions politiques pour les ors de l’Empire ? Antoine Schnapper, historien de l’art décédé en 2004, répond à la question avec nuance. David, fidèle à l’idéal révolutionnaire jusqu’au bout - il choisit l’exil au retour de Louis XVIII -, mais pas non plus propagandiste républicain avant l’heure. Ces essais provenant de catalogues d’exposition ou de revues sont introduits avec une grande clarté par Pascal Griener qui montre combien ce spécialiste de David a su régénérer sa matière en l’ouvrant à l’histoire.

Sean J. Rose