L’Ecole des loisirs vous laisse entièrement libre, c’est difficile quand on est jeune, mais avec l’âge, on apprécie. Mes premiers livres n’ont pas vraiment marché mais Arthur Hubschmid a cru en moi et j’ai pu tranquillement évoluer et apprendre mon métier. Ce que je fais, c’est grâce à lui : il parle du regard de l’enfant, de son attention aux objets. Il m’a permis d’être plus graphique, d’avoir plus de punch. Il n’y a pas de censure avec Arthur Hubschmid et je me rends compte à quel point c’est génial. Ma fidélité est due à cette liberté.

Je suis resté fidèle à L’Ecole des loisirs parce que je m’y suis trouvé bien. L’auteur y est bien traité, choyé, bichonné, et a le sentiment d’être le centre du processus d’édition. Arthur Hubschmid est un phénomène : il se débrouille pour qu’on ait envie de travailler avec lui. Depuis quarante ans que je le pratique, on a eu des hauts et des bas, mais nos rapports se sont réchauffés avec le temps. Il a une technique particulière avec moi. Alors qu’il a des séances interminables avec d’autres illustrateurs, il regarde mon projet et dit "bon d’accord", suggérant "c’est pas terrible mais on le prend quand même". Et je ne sais toujours pas ce qu’il pense de mon dessin.

Après le départ de Joseph Périgot de la collection "Souris noire", je me suis sentie orpheline et j’étais intriguée par la réputation de chapelle de L’Ecole des loisirs. J’ai donc envoyé les cinquante premières pages des Joues roses avec un mot : "Si vous voulez connaître la suite, appelez l’auteur à tel numéro"… Geneviève Brisac a appelé cinq jours plus tard en disant : "J’ai envie de connaître la suite, alors j’appelle l’auteur." Geneviève est directive sans l’être et suggère les choses avec beaucoup de finesse et de délicatesse. Comme pour Joseph Périgot, cela tient au fait qu’elle est écrivain et en a la sensibilité et la subtilité.

Ma rencontre avec Geneviève Brisac m’a permis d’entamer un nouveau cycle dans l’écriture : j’avais besoin de m’exposer pour écrire les livres que j’avais en tête. J’avais envie de travailler avec elle, j’avais l’intuition qu’il allait se passer quelque chose. Elle m’a ouvert des portes qui m’ont permis d’aller plus loin et m’a montré des endroits où je pouvais aller. Je compare l’écriture avec Geneviève à la promenade au phare, elle me montre des paysages littéraires d’où je tire une précision stylistique. Et comme elle me laisse une liberté vertigineuse, elle me permet d’aller vers le danger…

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