"J'ai marché longtemps ce jour-là, à ne plus pouvoir sentir le sol sous mes pieds engourdis, avec la sensation étrange de revenir une quinzaine d'années en arrière, au point de départ". C'est la première phrase de Daniel Avner a disparu, premier roman d'Elena Costa, publié le 27 août dans la collection "Blanche" de Gallimard.
Dans ce livre, le narrateur Daniel Avner fait partie d'une famille juive dont les parents et la soeur ont été arrêtés et déportés sous l'Occupation. Il raconte qu'après la Libération, lorsqu'il avait 13 ans, son grand-père l'a envoyé attendre le retour de sa famille à l'hôtel Lutecia, dont la plaque apposée sur la facade en 1985 est mise en exergue au début du roman, comme pour mieux contextualiser l'action : "D'avril à août 1945, en cet hôtel, alors transformé en centre d'accueil, fut reçue une grande partie des rescapés des camps de concentration nazie, heureux de retrouver la liberté et les êtres chers, auxquels il avaient été arrachés. Leur joie ne pouvait effacer l'angoisse et la peine des familles des milliers de disparus qui attendirent vainement les leurs en ces lieux".
Le narrateur Daniel Avner, aujourd'hui âgé de 27 ans, se retrouve au même endroit et rencontre Dora, avec laquelle il entame une relation passionnelle. Tout en racontant sa vie actuelle et son histoire avec elle, Daniel Avner raconte sa relation tumultueuse avec son grand-père, décédé six mois plus tôt, qui l'a élevé en l'absence de ses parents, et qui lui a fait subir des sévices physiques et psychologiques. A cela s'ajoute la culpabilité du survivant avec laquelle doit vivre le jeune garçon qui s'auto-inflige les conditions des prisonniers des camps nazis, comme pour se rapprocher de sa famille.
Avant de pouvoir recommencer à rire grâce à sa vie avec Dora, Daniel Avner fait partager son mal-être qui l'a accompagné de ses 13 à 27 ans. Se comprend ainsi l'autre exergue, la première de la page hors-texte, tirée d'Etre sans destin de Imre Kertész: "Quoi ? Tu veux vivre encore? / Was ? Du willst noch leben?". Ce passage permanent du passé au présent, sous forme de long monologue intérieur sans aucun dialogue, fait entrer le lecteur dans les méandres glaçantes des pensées d'une victime du nazisme par procuration, dans un style direct, épuré et d'autant plus efficace.
L'éditeur ne fournit pas d'éléments biographiques sur Elena Costa sinon qu'elle est née en 1984 à Nancy.