La star, c’est bien sûr Michel Houellebecq, dont l’Express nous apprend qu’il a dîné à l’Elysée, le dimanche 14 novembre, le soir du remaniement. Pendant que les caméras s’entassaient dans la cour de l’Elysée, pour recueillir la parole du Maire du Palais, Claude Guéant, chargé d’annoncer la composition du nouveau gouvernement, Houellebecq arrivait par une porte de derrière. En compagnie de son éditrice, Teresa Cremisi. Le président a, paraît-il, « beaucoup aimé » la Carte et le territoire . Son prédécesseur, Jacques Chirac, n’avait pas lu une ligne de Houellebecq, mais se devait d’avoir une opinion sur lui. En novembre 2002, l’Académie Goncourt avait été invitée à déjeuner à l’Elysée. Houellebecq avait déjà raté deux fois le Goncourt (en 1998 et 2001). François Nourissier devait plus tard rapporter, dans le Figaro , ces propos présidentiels, destinés à le dissuader d’encourager plus avant son poulain : « Enfin, Nourissier, vous n’y pensez pas ! Ce Houellebecq, c’est un écrivain de fourrés, de buissons ! » Huit ans plus tard, les buissons auraient-ils été taillés en topiaires ? Toujours est-il qu’on s’arrache Houellebecq de tous côtés. Pas question de le laisser récupérer d’un bord ou de l’autre. Un conseiller de Martine Aubry a ainsi décrété (toujours selon l’Express ) que « ' La Carte et le territoire' marquerait la prochaine campagne présidentielle », au même titre que la fameuse prophétie d’Olivier Todd, en 1995, sur la « fracture sociale », car Houellebecq traite de « la détresse des classes moyennes ». Les mystères, à présent. Le premier est en relation avec ce dîner sus-évoqué. L’Express , toujours, nous apprend que le dîner du 14 novembre comptait au moins deux autres convives : « l ’écrivain Florian Zeller » (sic) et sa compagne. Florian Zeller est, entre autres, l’auteur de l’immense Julien Parme . Mais par quel mystère s’est-il vu décerner le titre d’ « écrivain » ? En tout cas, ça fait retomber d’un coup le prestige du tour de table. L’autre mystère est un peu plus ancien. On se souvient que le 11 octobre dernier, les services de sécurité du président américain ont dû sérieusement se faire remonter les bretelles : un inconnu avait réussi à lancer un livre à la tête de Barack Obama. Autre temps, autres mœurs : à Bush, on lançait des chaussures. A Obama, des livres. C’est quand même mieux, non ? Mais j’ai eu beau fouiller dans les dépêches d’agences américaines : impossible de savoir de quoi traitait le livre, ni même quel était son titre. Personne n’a cherché à connaître cette information — et ça, c’est un peu triste. Pour la chaussure de Bush, on avait tout su, sa pointure, sa matière, y compris le nom de son fabricant. Les néologismes, maintenant. Pour le New York Times , l’écrivain canadien Douglas Coupland s’est amusé, voici quelques semaines, à radiographier notre époque en une vingtaine de néologismes. L’exercice n’est pas toujours convaincant, et ses néologismes sont souvent alambiqués. Mais j’en retiens deux, de génie. D’abord, « l’ikéase » (ikeasis) : « D ésir, dans sa vie quotidienne, et sa vie de consommateur, de s’en tenir à des objets de conception générique ». Et les « cols blêmes » (blank-collar worker) : « Travailleur qui a fait partie de la classe moyenne, qui n’en fera plus jamais partie et qui ne s’en remettra jamais ». Le « col blême » (vraiment superbe, comme trouvaille…), c’est en quelque sorte l’ « h ouellebecquisation des classes moyennes ». Ne riez pas. Ce néologisme-là existe aussi. Mais dans une autre acception. Le Point l’a employé pour désigner « Une France transformée en Disneyland des terroirs, avec des centres-villes médiévaux ultrabriqués, réservés aux piétons et touristes épris d’auberges 'à l’ancienne' et d’églises restaurées », ainsi que le dénonce l’écrivain dans La carte et le territoire . Et le maire de Strasbourg, nous dit le Point , serait « contre la houellebecquisation de sa ville ». Il aura fort à faire.