L’heure des femmes s’inspire de l’histoire de votre grand-mère Ménie Grégoire, qui a été l’animatrice d’Allô, Ménie, une émission de libre parole sur RTL. Pourquoi avoir exhumé ce passé familial ?
J’ai très bien connu ma grand-mère, et c’était une personne très romanesque ! Elle a commencé sa vie professionnelle à 50 ans, ce qui est peu commun pour les femmes de sa génération. Elle a contribué à sa façon à la petite Histoire, en favorisant la libération de la parole des femmes sur une grande antenne de radio à une époque où elles étaient isolées les unes des autres, notamment parce qu’elles étaient confinées chez elles. Ma grand-mère n’a jamais mis ces préoccupations de côté, même une fois à la retraite. Quand j’ai travaillé dans la presse féminine, elle me demandait souvent « Comment vont les femmes ? ». J’ai dû écrire son portrait pour Marie-Claire, et ça m’a permis de me replonger dans son parcours si inspirant. Elle avait tout conservé : les lettres des auditrices, les bandes-son des émissions, l’intégralité des articles de presse qui en parlaient… Il y avait beaucoup de matière à explorer, et l’idée a germé de là.
Vous avez préféré la fiction à la biographie, et Ménie Grégoire n’est pas le seul personnage dominant de votre roman. Vous y introduisez également des femmes de différentes générations.
Je voulais absolument que les auditrices de l’émission soient présentes. A la parution de l’article sur ma grand-mère, j’ai eu beaucoup de retours de lecture, et pas seulement des femmes qui l’écoutaient. Il y avait aussi leurs filles, qui devaient entendre ça sous la table quand elles étaient petites, et même leurs petites-filles, qui se souviennent de l’impact d’Allô, Ménie sur les femmes de leurs familles... La notion de transmission est donc très présente, et mettre en scène des personnages plus jeunes permettait de mettre en miroir notre époque et celle d’antan, par rapport aux avancées et aux reculs des droits des femmes. J’aurais aimé appeler ce livre Le chœur des femmes.
Alors pourquoi L’heure des femmes ?
D’abord, en référence à l’heure de diffusion d’Allô, Ménie. Quand on a proposé à ma grand-mère d’avoir sa propre émission, il était question que ce soit le soir, parce que « les femmes ont fini leur activités domestiques, donc elles sont tranquilles ». Elle a insisté pour que ce soit l’après-midi, quand les hommes sont au travail et les enfants à l’école. Sinon, comment auraient-elles pu s’exprimer librement ? Ce titre a un double-sens : est-ce que c’était l’heure des femmes à ce moment-là ? Ou est-ce que c’est maintenant malgré la régression de certains de nos droits ?