L'amour au temps des applis. Douze ans depuis Après l'amour (Mercure de France, 2013), son premier roman dont elle confesse aujourd'hui qu'il était autobiographique, Agnès Vannouvong lui donne en quelque sorte une suite. On peine à y démêler le réel du fictif, ce qui prouve qu'elle a réussi son coup.
Celle qui se fait appeler Dune, écrivain en mal de succès, lesbienne « sapio-sexuelle » et intello de 40 ans, n'a toujours pas trouvé l'amour de sa vie. Une seule fois, de ses 20 à ses 30 ans, avec Paola. Depuis, bernique ! Alors, sur l'insistance de sa meilleure copine Julie − Julie Estève avec qui Agnès -Vannouvong a récemment signé Tout ce que le ciel promet (Seuil, 2024) −, elle se décide à prendre sa destinée en main et s'inscrit sur le site de rencontres lesbiennes She. Avec un projet presque oulipien : elle se donne six mois pour connaître six femmes et le raconter dans son livre, dont la première partie s'apparentera à un journal.
Au début, les résultats sont mitigés. Elle plaît mais il y a toujours des « mais ». Son premier rencart, Lucie, lui pose un lapin au marché de Noël lesbien, puis l'invite à la Grande Mosquée de Paris : massage & couscous. Puis à la Nouvelle Ève, où elle est DJ et mixe jusqu'à point d'heure. Dune ne tient pas le rythme. Arrive Bichette, qui lui fait faire un strip-poker en visio avant leur rencontre. Elle s'appelle en fait Marjorie, est surveillante à la prison de Fleury-Mérogis et y anime des ateliers d'écriture. Ça n'ira pas plus loin. Marianne, elle, est mariée, a un enfant, et se trouve enceinte d'un autre. Son mari travaille à Dubaï. Elles vivent un été de passion physique, avant que l'amante ne parte rejoindre son époux afin de préserver sa famille. Il y aura ensuite Alix l'ophtalmo borgne, collectionneuse frénétique, trop débordée. Nouvel échec.
Et puis, enfin, vient Garance, 50 ans, que Dune drague dans une cabine d'essayage du Monoprix de la rue de Rennes. Elles se retrouvent au cocktail du prix Wepler. Garance est agent littéraire, elle passe sa vie dans les avions et les pays étrangers, afin de dénicher des auteurs. On pressent que, cette fois, ce pourrait être la bonne. Elle aide Dune à développer sa carrière : avec Comment j'ai perdu mon chien, inspiré par Nelson, le cocker de son éditrice Irène (clin d'œil que les initiés apprécieront), traduit et adapté dans le monde entier, Dune fait un tabac. Mais Garance vit à un rythme effréné, leurs univers sont trop proches et leurs ego s'affrontent. La relation se distend. Serait-ce la fin d'une belle aventure ?
On n'en dira pas plus. Et il faudra tout le talent d'Agnès Vannouvong pour changer de genre (littéraire) en cours de route, transformer la comédie de mœurs parisienne bobo en roman d'amour, d'aventures et de quête des origines, avec pour toile de fond la Thaïlande, le pays des ancêtres de Dune − et d'Agnès. Avec ce cinquième roman, original dans l'inspiration comme dans la forme, décomplexé dans les idées, Agnès -Vannouvong atteint sa maturité. Malgré quelques tunnels dans la deuxième partie, elle tient le rythme, son écriture est à la fois distanciée et fluide, et le finale est inattendu. Pari tenu.
Après l'amour, encore
Mercure de France
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 18,50 € ; 176 p.
ISBN: 9782715266025