Quel est votre parcours ?
À la fin de mes études, je me suis demandée ce qui me plaisait. Le fil rouge a été le livre. Par chance, mon premier stage a été dans l’édition chez Hachette. Comme toutes les personnes qui n’y connaissent rien au monde de l’édition, je pensais arriver à la littérature. Je me suis retrouvée dans le pratique chez Marabout. C’était en 2000. Ça a été un coup de cœur immédiat et définitif pour ce métier. Deux ans plus tard, je suis arrivée chez Hachette jeunesse puis en 2008 chez Edi8 pour m’occuper des Livres du Dragon d’or.
Comment travaillez-vous avec les sept maisons d'éditions d'Edi8 ?
Il y a une cohérence entre les éditeurs. A chaque fois qu’un projet arrive on se demande toujours, quel est le meilleur endroit pour le défendre. Pour ma part, je suis responsable de l’ensemble des maisons et de mes résultats par rapport au groupe. Chaque semaine, je réserve une journée pour chaque maison d’édition. Nous discutons de ce qui se passe et de ce que l’on veut faire après.
Comment présenteriez-vous la littérature jeunesse aujourd’hui ?
C’est l’avenir ! Je trouve que nous avons de plus en plus de poids. Il y a quelques années on nous disait que le livre serait fini, au profit du numérique. Mais, nous avons passé une année émouvante. Le livre papier, qui était presque vu comme ringard, ne l’est plus.
Est-ce qu’il y a eu une évolution, des tendances qui ressortent aujourd’hui ?
Chaque année a son lot de grands sujets qui suivent l’évolution de la société. Nous avons eu une vague de titres ayant pour thème les émotions. En ce moment, c'est plutôt la thématique de la confiance en soi. La littérature jeunesse est un domaine qui se renouvelle énormément.
Est-ce qu’il y a des thèmes dont il est devenu impératif de traiter en littérature jeunesse ?
Pour moi ce n’est pas une période de grand changement avec une best-sellerisation complètement dingue. Où est Charlie ? est toujours un best-seller chez nous. On constate un recentrage sur les valeurs sûres.
Combien de titres seront publiés en 2021 ?
Nous allons descendre à 525 titres contre 600 jusqu'alors. Hemma fait le plus de nouveautés, mais nous préférons travailler davantage notre fonds. Il y a eu des hausses de prix de transports et des coûts de matières annoncées ces dernières semaines. Il est temps de sortir de ces dépendances, sachant qu’en Europe nous n’avons pas les moyens de produire tous les formats que nous avons. C’est le cas des livres à puces qui sont fabriqués en Asie.
Souhaitez-vous rapatrier la production en France ?
Chez Gründ, nous avons monté un petit label qui s’appelle Green Gründ, où l’on essaie d’être irréprochable sur ces thématiques. Cela nous revient plus cher, mais nous voulons faire du grand public qualitatif. De plus en plus, nous essayons de rapatrier la fabrication et d’avoir les droits pour l'impression. Nous sommes déjà beaucoup revenus en Europe ou en France pour les romans et les albums. Depuis un an, nous commençons à regarder des productions de boîtes de jeu en Europe.
Pouvez-vous me présenter quelques-unes de vos prochaines sorties ?
A Poulpe Fictions, nous allons faire une petite série avec Ismaël Khelifa sur la protection de la nature dont La ligue de la nature : au secours du baleineau. Du côté de Slalom, nous travaillons beaucoup avec des primo-romanciers. Nous privilégions les récits très forts autour de l’émotion, mais aussi, à la rentrée, sur la transexualité ou un autre sur le thème du viol. Chez Langue au chat, nous sommes sur une politique d’albums pour les petits. L’idée est de reconstituer cette année une vingtaine d'imagiers photo. Si on regarde chez Gründ, nous proposons Timoté visite le Muséum ou le Château de Versailles de Emmanuelle Massonaud. Nous revenons également sur le documentaire, où ne nous sentions pas très légitime. Chez 404 éditions, qui cible les adolescents, nous avons de gros lancements. Il y a d’un côté les jeux comme Vol de nuit du Collectif Chatfoin, et de l’autre les comics tels que Big girls de Jason Howard. Enfin aux Livres du Dragon d'or, nous allons publier Barbapapa au Louvre en avril, écrit par Alice Taylor.
Le Musée du Louvre, Greenpeace, la SPA... Comment s’organisent vos différents partenariats ?
Souvent, nous allons chercher nous-mêmes ces partenaires. Nous essayons à chaque fois de nous demander ce qui pourrait être intéressant et quel partenaire pourrait convenir. Par exemple, chez Gründ nous voulions transmettre un message environnemental, alors nous avons contacté Greenpeace.
Comment trouvez-vous vos auteurs ?
Cela peut être n’importe où. Je raconte souvent que pour Poulpe fictions, Ismaël Khelifa a été rencontré lors d’un mariage. Il s’agit de gens que nous suivons ou repérons à travers des tribunes ou des engagements associatifs.
Rencontrez-vous plus de difficultés avec la fermeture des salons littéraires, et notamment celui de Bologne l’année dernière, en raison de la pandémie de Covid-19 ?
Nous avons réussi à garder le contact. James Eliott qui s’occupe de la vente de droits à créer un site interactif avec nos publications. Bologne reste dans notre calendrier. Mais, nous achetons très peu de façon générale. Il s'agit surtout de repérer et voir ce qu'il se passe dans le marché.
Youtube, Facebook ou Instagram, diriez-vous que le numérique est impératif aujourd’hui pour toucher le public ?
Si nous voulons exister, c’est bien d’avoir une communication qui détonne. A travers, les réseaux, il y a l’avantage de communiquer en direct. Chaque marque a sa stratégie. Pour Gründ jeunesse et Langue au chat, nous visons les parents. Ils utilisent beaucoup les chats de ces réseaux. Poulpe Fictions est plus tourné vers les enseignants. Il est toujours question d’avoir une fiche pédagogique et de penser à ce qui peut être utilisé en classe. Sur 404 éditions et Slalom, en direction des adolescents, nous présentons nos offres. Nous utilisons beaucoup de “reels” avec des mises en scène de nos livres pour créer une curiosité chez le lecteur.
Quels sont les objectifs que vous souhaitez atteindre pour cette année ?
Nous allons nous concentrer sur les albums et le documentaire. Il faut que nous ayons quelque chose à apporter en plus. Nous sommes très réactifs autour de ce qui se passe dans le livre jeunesse. C’est l’une des caractéristiques d'Edi8. Nous ne sommes pas dans une planification à cinq ans.