Black and proud. « L'époque et ses dilemmes me donnent des œdèmes. » Alison Mills Newman est une actrice, musicienne, réalisatrice et autrice noire américaine née en 1951 à Long Island. Paru à l'origine en 1974 aux États-Unis et composé de notes successives rassemblées selon un ordre chronologique, ce texte d'inspiration autobiographique retrace le voyage fou d'une jeune actrice noire de 21 ans à travers les États-Unis aux côtés de son amoureux, le cinéaste Francisco Newman, pour la promotion du premier film qu'il a réalisé, à 27 ans. Au-delà de ce portrait de l'artiste et de l'être aimé (avec lequel elle passera sa vie et se mariera), Alison Mills Newman brosse aussi un autoportrait qui traduit la difficile représentation d'une jeune femme noire dans un paysage culturel dominé par les Blancs.
Alison Mills Newman fut la première adolescente afro-américaine à jouer dans une série télévisée américaine mais cette gloire ne fut pas exempte de racisme, de sexisme et de misogynie. Elle raconte comment, réifiée et sexualisée en permanence, souvent jusqu'au harcèlement, elle est insultée et laissée de côté comme un personnage subalterne. On la pousse à se transformer afin d'effacer ses caractéristiques physiques de femme racisée, comme ses cheveux crépus, afin de correspondre à des canons de beauté « respectables », soit qui se rapprochent de ceux des femmes blanches. « Ma beauté existait bien avant que le Blanc la commercialise ou l'achète, et elle existera encore bien après que le Noir se sera enfin réveillé de ce cauchemar occidental. »
La plume d'Alison Mills Newman est vive, crue et audacieuse, sans filtre. Elle parle aussi bien de sexualité, en décrivant des scènes d'amour tout à fait explicites, que d'amitié, de sa relation avec ses parents, de sa rencontre avec Angela Davis, de son rapport avec sa ville d'origine ou encore de la nostalgie du « chez soi », ce manque qu'elle éprouve malgré le bonheur de faire un road trip avec Francisco. Même son père finit par lui manquer, lui qui est pourtant terriblement dur avec elle pour ses choix de ne pas poursuivre un cursus universitaire et de s'être entichée d'un homme noir artiste - un « blinéaste » (« black cinéaste ») comme Francisco s'autodéfinit avec humour...
Alison Mills Newman décrit également combien il était déjà difficile pour une femme de se faire remarquer pour sa créativité et son potentiel artistique, et combien, souvent, les femmes ont été effacées et réduites à des rôles de marchepieds ou de trophées par des hommes qui, eux, deviennent célèbres et trouvent l'espace de création nécessaire à leurs désirs. « Je regrette vraiment que la révolution n'ait pas eu lieu. C'est pour ça que tout est mou et fadasse aujourd'hui. Il faut prendre position, ici et maintenant, et pour de bon. On peut pas se contenter de peut-êtres. Parce que sinon rien ne changera à part la météo. » Un récit déchaîné, qui est aussi un témoignage vivifiant sur le milieu cinématographique aux États-Unis dans les années 1970.
Francisco
Zoé
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Serge Chauvin
Tirage: 2500 ex.
Prix: 18,50 € ; 160 p.
ISBN: 9782889074440