Bernard Strainchamps est libraire chez Feedbooks.com et animateur de blog.feedbooks.com.
Les deux fondateurs de la librairie 100 % numérique Feedbooks, Loïc Roussel et Hadrien Gardeur, ont choisi d’embaucher des libraires non par défiance mais en plus des algorithmes de recommandation et de l’email marketing. Ce n’est donc pas un choix à rebours mais un pari sur le métier de libraire.
Il est évident qu’un libraire numérique a plus de temps à consacrer à la médiation qu’un libraire en magasin pris par la gestion des stocks et la vente. Certes, un temps incompressible est dédié à la structuration du catalogue et au service client. Mais dans une journée, le libraire numérique travaille majoritairement à créer des liens entre les livres et les lecteurs.
Avec Internet et la dématérialisation en cours, le métier évolue nécessairement. Le libraire devient tour à tour bibliothécaire, documentaliste, journaliste, médiateur et commerçant. Durant sa journée, il classe les livres, effectue une veille et enrichit son catalogue avec une revue du Web, interviewe des auteurs et publie des billets sur le blog.
Comme dans de nombreux métiers liés au savoir, la position du libraire a changé aussi. Le libraire chez Feedbooks échange avec les éditeurs, regarde les avis des confrères, lit la presse en ligne et suit la blogosphère littéraire. Mais si le libraire numérique pense encore avoir un rôle de prescripteur… il effectue plutôt ses sélections d’après les avis des lecteurs et privilégie la mise en avant de la parole des auteurs. Il sait que l’organisation verticale du savoir, c’est fini. Il sait même qu’il en sait souvent moins que le lecteur. Par exemple, avant d’élaborer une table virtuelle dédiée à la science-fiction francophone, il fait appel aux lecteurs, et en toute humilité, il va montrer qu’il sait un peu, mais juste un peu. Son travail va surtout consister à mettre en place l’enquête, à la diffuser sur les réseaux sociaux, et ensuite à récupérer les avis et à les mettre en scène pour un accès facile.
Le libraire version numérique a aussi pour fonction de disséminer le catalogue et de créer un réseau de lecteurs via les comptes Facebook et Twitter. Ainsi, il crée des cartes interactives, des frises chronologiques ou autres nuages de tags. Mais si, chaque jour, il imagine une nouvelle médiation, cela commence toujours par la lecture d’un livre. Et cela demande une grande implication. C’est celle-ci qui sera détectée par le lecteur. Sur les rayons d’une librairie numérique, le lecteur peut aussi voir un monde surgir de l’horizon.
