C'est l'été indien sur le bassin d'Arcachon. Une saison tout en douceur et en mondes mouvants qui va bien au teint d'Arnaud Cathrine, à son écriture aussi. Ce garçon délaisse souvent ses refuges normands pour cet endroit qui semble l'avoir choisi autant que le contraire. Dans l'un des plus beaux hôtels de la Ville d'Hiver dont il a écrit les splendeurs comme seul avant lui le fit Chantal Thomas, il reçoit tout de courtoisie et de passions littéraires mêlées. Il publie son premier livre pour adultes - lui qui a au fond tant de mal à se reconnaître comme tel - depuis longtemps. Dans ce recueil de nouvelles, Début de siècles, se répondent des histoires du nôtre qui commence et des débuts du précédent. On y retrouve Drieu, Rigaut, Annemarie Schwarzenbach, Cocteau, Radiguet, Eileen Gray, ces Années folles dont la pluridisciplinarité le fascine, et cet aujourd'hui dont il se fait une fois encore le sismographe des passions tristes et des solitudes subies ou non.
La solitude, c'est un truc à lui. Dans sa ville natale de Cosne-sur-Loire (Nièvre), cet adolescent de 16 ans, fils d'une mère institutrice et d'un père chirurgien (savoir, réparer, voilà toute son histoire) se réfugiait dans sa chambre pour s'ingénier à fuir les groupes et rêver d'en fonder, mais de musique ceux-là. C'est ce qu'il finira par faire bien des années plus tard avec son ami et mentor le chanteur Florent Marchet. En attendant donc, il lit - c'est toujours vrai, ô combien. Il part finir ses études à Bourges, puis arrive à Paris pour faire sa khâgne. En même temps que la capitale, il découvre émerveillé la beauté des livres de Carver, Camus ou Annie Saumont, où parfois durant cinq pages il ne se passe rien d'autre que la littérature. C'est l'heure de bien des formalismes littéraires qui le passionnent autant qu'ils l'intimident. Lui sait qu'il est un raconteur d'histoires, il veut emprunter tous les chemins buissonniers, et pas seulement ceux de l'écriture romanesque. « Au fond, dit-il, je passe ma vie à n'être pas que... » Rien ne lui est plus étranger que les assignations à résidence : le masculin, le féminin, Paris et province. Seul compte d'être autre dans l'espace de l'écriture, il n'y a pour lui de véritable excitation que dans l'altérité.
Ce sont ces mélanges fructueux qu'il poursuit aujourd'hui, non seulement sur la page qui ne reste jamais très longtemps blanche, mais par son travail, auparavant à France Culture ou comme lecteur aux éditions Julliard, et désormais à la Maison de la poésie, aux Correspondances de Manosque (toutes deux après d'Olivier Chaudenson) ou pour les festivals Tandem à Nevers et Les Émancipées à Vannes. Puisqu'il ne craint pas de se revendiquer comme fan, rien ne lui plaît plus que de faire se rencontrer des artistes, comme hier La Grande Sophie et Delphine de Vigan ou bientôt Raphael et Maria Pourchet. C'est le secret de sa propre poursuite du bonheur. « Le seul milieu dans lequel je me sens bien, c'est l'hétérogénéité. En vrai, je crois que je veux être tout le monde » ajoute-t-il rieur. Il est surtout mieux que personne, lecteur impénitent et écrivain de livre en livre plus sensible. Boy next door et bête de scène. Lui, Arnaud, plus changeant que la lumière d'une fin d'après-midi sur le bassin d'Arcachon...
Début de siècles
Verticales
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 20 € ; 320 p.
ISBN: 9782072945618