29 janvier > Roman France

En aura-t-on soupé de ces tombeaux par lesquels fils ou filles, faute d’avoir pu "réglementairement" tué leur père, le recyclent dans des livres où ils posent en majesté et en tenue de grand deuil. Pour quelques réussites comme Mon ami Pierrot de Michel Braudeau (Seuil, 1993) ou Le père adopté de Didier van Cauwelaert (Albin Michel, 2007), combien de livres plus ou moins de circonstance tirant la manche au lecteur en un embarrassant chantage au réel et à l’émotion ? "Papa est mort", et alors ?

Alors, ce n’est jamais aussi simple et il n’y a au fond pas d’autre histoire. C’est ce que peut-être s’est dit Michel Crépu avec ce récit, Un jour, où il se montre comme jamais au plus près de sa vérité, libre variation douloureuse autant qu’apaisée autour de la mort de son père.

C’était à Etampes, sous-préfecture de l’Essonne. La vie longue et tranquille de Roger Crépu, un honorable métreur dans des cabinets d’architectes, mari et père exemplaire, auquel on ne connaît qu’une fantaisie, sa passion pour le cirque. Lorsqu’il disparaît, presque nonagénaire, son fils, Michel, comprend que l’ordre des choses n’est jamais celui de la littérature. A la façon de Jérôme Garcin et peut-être plus encore d’Annie Ernaux dans Les années, c’est un pays entier qu’il dessine englouti par la nuit en même temps que son père. Adieu les Jeunesses ouvrières chrétiennes, le militantisme démocrate-chrétien auprès de Jean Lecanuet ou Alain Poher, les repas dominicaux, les livres de Cesbron ou Daniel-Rops, les clochers, les maisons sages, une chanson douce et ourlée de décence. Ce vieux monde que regarde s’éloigner Michel Crépu, ce n’est pas que celui des pères, c’est aussi celui des fils lorsqu’ils s’aperçoivent que le soir est tombé. Olivier Mony

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