13 mai > Roman France

Comme le pommier qui, en sa maturité, donne ses fruits à profusion, Olivier Bleys enchaîne, depuis l’année dernière, les romans. Deux, aussi différents que réussis, sont parus chez Albin Michel en 2013, Le maître de café puis Concerto pour la main morte. En voici un nouveau, Haut vol, chez Gallimard, son principal éditeur depuis Pastel, en 2000. Une des plus jolies surprises de cette fin de saison littéraire, dont on espère qu’il sera l’un des romans préférés des lecteurs, pour leur été.

Changeant d’univers à chaque livre, Olivier Bleys nous entraîne cette fois du côté de chez feu Frédéric Othon Théodore Aristidès - à qui le roman est dédié. Plus connu sous son nom de BD, Fred, l’un des piliers de Pilote et le génial inventeur de Philémon, un gamin vagabondant en compagnie de son âne Anatole sur les lettres de l’océan Atlantique, ou encore du Petit cirque, que son admirateur qualifie de "chef-d’œuvre ingénu". Tendresse, poésie flirtant avec le fantastique, monde du cirque traditionnel, celui de la fin du XIXe siècle, sont quelques-uns des points communs entre les deux artistes.

Sans parler de l’originalité et du talent. On pense aussi à la mélancolie si particulière des Saltimbanques d’Apollinaire.

Bleys imagine donc les aventures de la famille Vaillant, des forains. Samson, le père, hercule devenu "acrobatte", une force de la nature, un fauve au grand cœur, amoureux extravagant de sa Pélagie, ex-lanceuse de couteaux, et fou de leurs deux gamins, Ludivine, 12 ans, et Achille, 9 ans. Même si ce dernier avoue un jour à son père que lui ne travaillera jamais dans un cirque. Car elle est rude, la vie des saltimbanques, surtout lorsqu’il pleut durant des semaines, et que l’argent se fait rare. Très rare, même. Chez les Vaillant, on en est bientôt réduit à manger les épluchures de pommes de terre. Samson prend alors ses responsabilités et s’adresse à Tiburce Lefranc, un sale type, imprésario compétent mais requin en affaires. Celui-ci a eu l’idée de monter un numéro totalement inédit - et aussi particulièrement périlleux, mais bien payé : il a acquis et affrété une montgolfière, pour que l’"acrobatte", devenu voltigeur aérien, effectue son numéro dans les airs, accroché comme il peut par un harnais. Une chute, un incident, et c’est la mort.

Pélagie, se fondant sur son intuition féminine, s’y oppose, mais Samson, dans l’urgence, se fait intraitable. Il réussit son premier numéro volant, puis d’autres, et enfin monte à Paris, près du canal de l’Ourcq. L’événement fait le buzz (comme on ne disait pas à l’époque), la foule accourt, la recette est considérable : 837 F Poincaré. Après un triomphe sur l’esplanade des Invalides, Samson, qui est un être simple et a bien assez d’argent pour vivre heureux en famille le restant de ses jours, décide de tout arrêter. Mais Tiburce, hors de lui, le roue de coups et lui impose une ultime représentation, à haut risque… On n’échappe pas à son destin.

J.-C. P.

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