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Bristol ou Post-it ? La fabrique des coups de cœur en librairie

Coup de cœur des libraires, à la Librairie Comme un roman, à Paris. - Photo Olivier Dion

Bristol ou Post-it ? La fabrique des coups de cœur en librairie

Vecteurs d'identité de la librairie, voire des libraires, les coups de cœur sont largement relayés sur Internet. Certains sites s'en sont même fait une spécialité. Mais on constate surtout que le petit bristol manuscrit a un effet sur les ventes...

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Par Cécile Charonnat,
Créé le 06.12.2021 à 08h24

Bricolé sur un post-it ou tapé sur une fiche bristol calibrée, simplement collé ou tenu plus esthétiquement, signé ou anonyme, affichant un prénom, quelques mots ou une dizaine de lignes, le coup de cœur en librairie ne fait plus débat. Aujourd'hui, rares sont les boutiques à faire l'économie de ces courtes notules déposées sur les livres pour signaler l'enthousiasme du libraire, ou plus exceptionnellement son mécontentement. Autant outil d'animation du magasin que défrichage et guidage dans l'offre éditoriale, les coups de cœur représentent également un canal de vente indirect performant. « On constate rapidement l'effet sur les rotations des titres ainsi valorisés », assure Marie Foray du Cachalot à Foix.

Coups de cœur des libraires, à la Librairie Comme un roman, à Paris.- Photo OLIVIER DION

Si l'unanimité règne quant à leur utilité, la méthode reste en revanche artisanale. Chaque librairie possède sa technique, plus ou moins élaborée. Marie Foray, qui aime que cela soit « joli », exige qu'ils soient écrits à l'encre noire sur un papier bristol perforé en haut à gauche qui permet de glisser un morceau de laine de couleur inséré ensuite dans le livre « à la manière de ces anciens signets intégrés directement à la reliure », détaille la libraire. Pas question non plus de résumer les livres. Une seule phrase suffit, le reste est consacré « aux émotions et aux sensations que procure la lecture. »

Même politique chez Martin-Delbert à Agen, qui ajoute la photo du rédacteur. « On choisit la photo ensemble et ainsi, les recommandations de chaque libraire peuvent se faire même quand ils ne sont pas là. Les clients gagnent du temps », explique Frédéric Martin-Delbert, le dirigeant. Le contenu est plus libre chez Céline Dereims. En revanche, la fondatrice des Yeux qui pétillent à Valenciennes tient à afficher sur chaque notule un slogan et le logo de l'enseigne. À l'Infinie comédie (Bourg-la-Reine), les libraires peuvent même ajouter de la couleur ou des dessins, « la liberté est totale », indique son patron, Benoît Trémolières. Au Librius à Voiron, spécialisé en BD et mangas, les libraires se contentent parfois d'y signaler une offre promotionnelle impossible à afficher en grand dans le magasin.

La littérature, et plus globalement la fiction, reste très pourvoyeuse de coups de cœur. Ils sont moins fréquents en jeunesse, en particulier pour les albums. Céline Dereims se contente par exemple d'apposer un post-it avec quelques mots pour attirer l'attention et provoquer le conseil. « Le rayon demande beaucoup de relationnel et les coups de cœur passent plus par l'oral », confir- me Frédéric Martin- Delbert. L'exercice peut aussi se révéler délicat en sciences humaines. « Ce n'est pas toujours simple de résumer la pensée d'un auteur en quelques mots », note Marie Foray.

Vecteurs d'identité de la librairie, voire des libraires, les coups de cœur sont largement relayés sur Internet. Certains sites s'en sont même fait une spécialité. Au risque, parfois d'uniformiser ces notules spécifiques. Alors que chacun pratiquait à sa guise, Claire Criscuolo, la directrice d'Arthaud à Grenoble, demande désormais à ses libraires d'au minimum taper et d'archiver leurs coups de cœur, jonglant ainsi entre « les aspirations individuelles et l'intérêt collectif ».

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