« Ce matin, quinzième jour de confinement, Paris s’éveille… en silence. C’est notamment cela qui a changé notre vie quotidienne, le poids du silence, en tout cas dans les rues, dehors, un peu partout, depuis la déclaration de guerre au coronavirus. Ce sentiment oppressant d’être dans l’attente, dans l’attente de quoi ? Deux romans me viennent à l’esprit, Le Désert des tartares de Dino Buzzati, et Un balcon en forêt de Julien Gracq, avec le sentiment que l’invisible menace prend peu à peu possession de nous.
Une multitude de décisions pratiques
Ici, dans mon appartement parisien, ce n’est en revanche plus du tout le silence, mais plutôt l’effervescence, pour gérer cette crise dramatique, continuer à travailler, de toute notre énergie, avec nos auteurs, nos collègues, nos représentants, nos partenaires, grâce aux moyens techniques et digitaux mis à notre disposition par Editis. Pour maintenir les liens chez Robert Laffont à distance, nous nous sommes tous mis, avec une réelle agilité, à la messagerie ultra performante Teams, et passons du mobile à l’ordinateur, avec casque, sans casque, du matin jusqu’au soir, en flux réel, tendu, à l’extrême, pour pouvoir agir, réagir au plus vite, quand il faut plus que jamais prendre une multitude de décisions pratiques, sans visibilité à court terme : préserver l’activité, intensifier le chiffre d’affaires numérique, accompagner les livres parus récemment, revoir le calendrier des sorties...
L’heure est à la mobilisation générale pour entreprendre, inventer, trouver les mots, rester proches de nos auteurs, les uns quelque peu déboussolés, inquiets pour leurs livres désormais figés dans cet état de sidération, d’autres moins « chamboulés » pour reprendre l’expression de l’un d’entre eux, reclus à la campagne. « Tu sais Cécile, tout cela ne change pas beaucoup mon quotidien d’écriture… ». Et tous et toutes nous réconfortent, avec leurs mots sincères. Cette nouvelle vie, depuis quinze jours, stimule l’esprit d’équipe, crée des liens nouveaux, renforce une solidarité qui était déjà bien là mais qui se révèle extraordinaire, et produit une créativité survitaminée.
Livres refuges
Cette étrange routine apporte aussi son lot de menus plaisirs quotidiens, dont je profite à plein. Ô joie, le footing nocturne d’une heure maximum, les visites régulières à mes parents âgés (198 ans à eux deux !). Et pourtant, nous sommes loin les uns des autres. Il y a ce mélange de suractivité individuelle et d’absence de vie sociale. Il y a le bruit incessant de la ruche téléphonique et numérique et le silence du dehors, troublé par les oiseaux qu’on recommence à entendre, les cloches et les sirènes des ambulances.
Il y a aussi les moments de doute, car quoique l’on fasse, nous sommes tous confrontés à cette réalité inimaginable que toutes les librairies de France, de Belgique, de Suisse, du Québec sont fermées, les gens confinés chez eux et empêchés d’acheter des livres. Même lors des périodes les plus noires de notre histoire, les Français n’ont jamais été confrontés à cette vie « empêchée ».
Cette immobilité imposée nous contraint à un rythme différent, nous ramène à l’essentiel, à nous pencher sur le sens de notre métier, et sur son avenir. Nous en sortirons changés, et il faut imaginer la suite. Les livres doivent plus que jamais s’en trouver reconsidérés, comme des refuges dans lesquels il fait et il fera bon vivre, aujourd’hui et demain. »
Et vous ? Racontez-nous comment vous vous adaptez, les difficultés que vous rencontrez et les solutions que vous inventez en écrivant à: confinement@livreshebdo.fr