« J'aime faire confiance à l'intelligence du lecteur », confie l'autrice à nos confrères du Guardian. Ainsi, elle cultive l'art de la suggestion dans des recueils comme L'Antarctique ou Ce genre de petites choses. « C'est en apprenant les limites de la nouvelle que je sais me cantonner à ce qu'il m'est possible d'écrire. » Ici, elle en imagine une qui explore les frontières du couple. Sabine et Cathal se plaisent lors d'un colloque à Toulouse. Elle est Normande, lui Irlandais, issu de la ville d'Arklow. Peu à peu, elle découvre ce lieu et cet homme apaisant. Leur relation s'installe dans la durée. « Pourquoi est-ce qu'on ne se marie pas ? » lui suggère-t-il un jour. On a vu plus romantique comme proposition, mais après mûre réflexion, Sabine dit oui et quitte tout pour lui. « Une sensation proche du bonheur » les envahit, mais c'est si fugace... Le mariage s'organise comme il se doit. Alors qu'il est déjà payé, planifié et fantasmé, il va imploser. « C'est peut-être trop de réalité », réalisent les protagonistes. Après coup, ils constatent que « l'obstacle de leur première dispute » contenait déjà les prémices des suivantes. La vérité glacée leur explose à la figure. « Dis-moi que tu m'aimes encore », demande-t-elle en lui tendant une dernière perche avant l'attaque. « Je m'interroge devant ce bazar », rétorque-t-il. Aimer l'autre, c'est accepter de lui faire une place dans son cœur et sa demeure. Apparemment pas si évident... Impitoyable, Claire Keegan ne laisse rien passer dans ce projet conjugal qui risque de capoter. Que reste-t-il quand « le voile de l'enchantement se dissip[e] » ?