Rentrée d'hiver 2022

Collectif sous la direction de Caroline Julliot et Agathe Novak-Lechevalier, « Misère de l'homme sans Dieu. Michel Houellebecq et la question de la foi » (Flammarion) : L'athée malgré lui

Houellebecq 1991-2000 2001-2010 Mille&unepages Flammarion - Photo OLIVIER DION

Collectif sous la direction de Caroline Julliot et Agathe Novak-Lechevalier, « Misère de l'homme sans Dieu. Michel Houellebecq et la question de la foi » (Flammarion) : L'athée malgré lui

Un essai collectif sur Michel Houellebecq et son rapport à la foi, sous la houlette de Caroline Julliot et Agathe Novak-Lechevalier. Tirage à 5000 exemplaires.

Par Sean Rose,
Créé le 07.01.2022 à 15h03 ,
Mis à jour le 06.02.2022 à 10h36

Dieu est mort, on le sait. C'est Nietzsche qui l'a dit. Dans le même temps, c'est celui qui le dit qui l'est, comme disent les enfants. Il y a cette blague où le graffiti de la fameuse citation avec le nom de l'auteur d'Ainsi parlait Zarathoustra est biffé et rectifié : « Nietzsche est mort. Signé : Dieu. » Dans notre société postmoderne très fortement sécularisée, l'homme aussi est mort. L'universalisme que promettait un humanisme athée a du plomb dans l'aile, voire dans la tête. Tout est si relatif. La verticalité des vertus, la pérennité des valeurs, la transcendance du bien, tout ça... semble bien éculé. On parle beaucoup du vivre-ensemble sans voir comment on pourrait faire société, puisqu'à l'instar du slogan de chez McDonald, chacun vient comme il est. L'éthique apparaît comme « uberisée ».

L'humain en général n'est plus, vive l'individu en particulier ! L'individu particulièrement déprimé... Ainsi que nous le dépeint Michel Houellebecq livre après livre. On voudrait la vérité et la lumière, et c'est l'impuissance et le flou qu'on a à la place. Le constat ne date pas d'hier. Confer Blaise Pascal. « L'homme sans Dieu est dans l'ignorance de tout et dans un malheur inévitable. Car c'est être malheureux que de vouloir et ne pouvoir. » Misère de l'homme sans Dieu, autre formule pascalienne qui donne son titre à l'ouvrage collectif dirigé par Caroline Julliot et Agathe Novak-Lechevalier (l'essai de cette dernière, Houellebecq : l'art de la consolation, ressort concomitamment en « Champs »). Houellebecq au prisme du positivisme d'Auguste Comte, Houellebecq et la dystopie SF, Houellebecq face à l'islam, Houellebecq et la tentation catholique (ratée)... les auteurs de cet essai traitent sous divers angles de la question de la foi chez le héraut du néonaturalisme contemporain.

D'Extensiondu domaine de la lutte à Sérotonine, en passant par Les particules élémentaires ou La carte et le territoire sans oublier ses recueils de poésie, l'écrivain se révèle une sorte d'athée contrarié - quelqu'un qui voudrait bien croire quand alentour on ne croit plus à rien, qui se demande comment se sauver de cette purée de pois existentielle où surnagent les plus compétitifs. Le darwinisme avec son struggle for life trouve sa meilleure illustration dans la sauvagerie du marché dérégulé, qui se traduit même en amour, par le consumérisme sexuel. La religion, selon Marx, est l'opium du peuple certes mais le prolétariat a changé d'opiacé. On a troqué l'hostie contre le Prozac ou l'ecstasy. Les paradis artificiels ont cependant un goût d'éternité éphémère... Porté aux nues par d'aucuns pour le tranchant de ses analyses ou conspué par d'autres qui considèrent son écriture comme un non-style et/ou jugent sa vision réac, le lauréat du Goncourt 2010 ne fait pas toujours l'unanimité. Tout l'intérêt de ces essais est de proposer une lecture de son œuvre en dégageant le fil rouge de cette soif d'absolu frustrée qui relie ses livres entre eux. Pour qui voudrait comprendre Houellebecq- un ouvrage salutaire.

Collectif sous la direction de Caroline Julliot et Agathe Novak-Lechevalier
Misère de l'homme sans Dieu. Michel Houellebecq et la question de la foi
Flammarion
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 14€ ; 416 p.
ISBN: 9782080273178

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