31 AOÛT - ESSAI France

C'est un petit ouvrage aussi brillant que facétieux, coquin mais profond. Un traité de "languistique", selon le joli mot du regretté Raymond Queneau. Où Alexandre Lacroix, jeune philosophe et romancier, mène cette fois l'enquête sur un thème qui ne saurait laisser le lecteur insensible, le baiser.

Alexandre Lacroix- Photo ARNAUD FÉVRIER

Le livre est à double volute : une perspective historique bien documentée, voire savante, qui court de 1536, avec Jean Second et ses Basia, jusqu'à Hollywood dans les années 50 du siècle dernier. Moment où, selon Lacroix, le baiser s'est mondialisé, "comme la pizza". Cela dit, même simplement simulé par des acteurs, le "palot bilingue" (pour le différencier de l'innocent "bisou") n'en a pas moins conservé son pouvoir de stimulus érotique, car, à condition d'être hétéro, c'est le seul acte sexuel dont l'exhibition publique est tolérée par nos modernes sociétés ultra-pudibondes. Au passage, défilent sous nos yeux Marsile Ficin et son amour platonique, Voltaire et Rousseau polémiquant comme d'habitude (l'un contre, l'autre pour), Sade et son libertinage buccal, Freud et son disciple Ferenczi, théoriciens du baiser en tant que succion de substitution au sein maternel, ou encore Proust, permettant à Swann et à Odette d'échanger, enfin, leur premier baiser dans un fiacre. Avant de "faire cattleya"...

Lacroix évoque aussi avec humour quelques-unes de ses expériences personnelles, plus ou moins glorieuses, du baiser, dont l'une, plutôt osée, suppose entre les deux partenaires beaucoup d'amour et une confiance absolue.

D'après l'essayiste, le baiser est un geste métaphysique, et beaucoup moins anodin qu'il n'y paraît, qu'il se plaît à décrypter pour nous. Avec cette particularité : le français serait la seule langue au monde où le mot "baiser" est ambigu : substantif ou verbe ? "kiss" ou "fuck" ? Et, pour une fois, la vulgarité contemporaine n'est pas coupable : le verbe est attesté depuis le XVIe siècle ! A preuve, ce finaud de Molière et son fameux "Baiserai-je, Maman ?", qui ne peut faire rire que les inventeurs du french kiss.

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