Deux cousines se revoient à l'enterrement de la mère de l'une d'elle, après des années sans contact ni nouvelles. Leurs mères, désormais disparues, étaient soeurs mais ne s'entendaient pas. Dans l'enfance, pendant les vacances chez leur grand-mère commune, Pépée, Marianne, la narratrice, a éprouvé un amour dévot un peu masochiste pour Martine, de quatre ans son aînée, et aimé secrètement le frère de celle-ci, Jacques, tué par l'alcool qui a détruit la plupart des membres de cette branche de la famille. Au chômage, vivant seule avec sa petite fille, la narratrice se met en tête d'écrire un livre sur cette cousine retrouvée qui vit à Rambouillet et passe ses journées à boire avec son compagnon dans une pièce de quinze mètres carrés. Les souvenirs se heurtent avec brutalité au présent : Martine, adolescente dessalée que sa cousine admirait pour sa beauté et son assurance autant qu'elle la craignait, est devenue une femme de 50 ans cassée et brutale, qui carbure dès le lever à la "limonade artisanale », un mélange de blanc et d'eau. Une femme victime, martyrisée par sa mère, génitrice ogresse dont la fille prétend qu'elle a "zigouillé » sept "bonshommes ». Mais aussi une femme bourreau. Et la narratrice vérifie, avec ces générations de femmes violentes et abusées, qu'on peut être de la même famille mais ne pas appartenir au même monde. Ce sera dur, avait prévenu l'écrivaine, mettant en garde sur les dangers de l'expérience son héroïne, pourtant plus que consentante. Mais la mise en récit se révèle plus perturbante pour celle qui l'a entreprise - "Martine est à l'oeuvre en moi ». Elle commence elle aussi à boire, plongeant dans une fascination morbide où remontent des humiliations d'enfant.
Nathalie Kuperman experte pour saisir l'ambiguïté des sentiments, confronte les préjugés, explore le mépris et la honte de classe, les pulsions qui contredisent les valeurs que l'on affiche. C'est son talent : animer la vie intérieure de ses personnages dans un espace très social. Mettre la politique à l'épreuve de la vie matérielle. Comme pense Marianne : "J'invente la réalité ! C'est ça écrire, ma jolie, c'est inventer ce qui existe. »