Le lundi 14 septembre, Cultura ouvrira les portes de son nouveau magasin situé dans la zone commerciale de Beaulieu, à Puilboreau, dans la périphérie de La Rochelle. En déménageant de quelques centaines de mètres son établissement historique, créé en 1998, l’enseigne dédiée aux loisirs culturels et artistiques en triple la surface et s’installe sur 3 000 m2.
Symbolique, l’événement témoigne de la belle réussite d’un groupe qui compte désormais 66 points de vente ainsi qu’un site Web et qui, dans le livre, figure parmi les chaînes leaders avec un chiffre d’affaires estimé à 200 millions d’euros. Loin derrière la Fnac certes, il talonne désormais le groupement des espaces culturels Leclerc, comme le laisse apparaître le classement annuel de Livres Hebdo (1). Directeur commercial d’Hachette Livre, Francis Lang reconnaît même que "l’enseigne, qui s’est développée assez vite sur les ouvrages illustrés, est aussi aujourd’hui en train de rattraper son retard en littérature".
Pourtant, lors de sa création il y a dix-sept ans, Cultura était apparue comme un ovni dans le secteur du livre. Créée par Philippe Van der Wees, un membre de la famille Mulliez (groupe Auchan) qui a débuté sa carrière dans la grande distribution au sein de la chaîne de prêt-à-porter Kiabi, l’enseigne avait même suscité un certain scepticisme. Installée en province, en périphérie des villes, dans les zones de chalandise des hypermarchés, elle s’était d’entrée de jeu démarquée avec une offre mixte centrée sur les loisirs à la fois culturels et artistiques, et avec un positionnement très familial. Une stratégie qui a finalement fait ses preuves dans un contexte pourtant difficile pour les grandes surfaces culturelles.
En 2016 à Paris
Le P-DG de Cultura, Philippe Van der Wees, est une personnalité discrète, qui n’intervient presque jamais dans les médias. Il a cependant accepté de répondre aux questions de Livres Hebdo. Confiant pour l’avenir du livre comme pour celui de son enseigne, il analyse les facteurs qui ont permis son succès. Il dévoile les grands axes de son développement à venir et annonce un doublement, d’ici à 2021, de son parc de magasins pour en porter le nombre à 120. Dépassant son territoire habituel, Cultura fera dès l’an prochain son entrée dans Paris, à La Villette, dans le 19e arrondissement, et affiche des ambitions à l’international pour les années qui viennent.
(1) Voir LH 1034, du 20.3.2015, p. 20.
Philippe Van der Wees : "Nous pouvons doubler notre parc d’ici à cinq ans"
Philippe Van der Wees - Les difficultés dont vous parlez sont davantage liées à des problèmes internes d’entreprises qu’à des problèmes de marché. La preuve : depuis l’ouverture de notre premier magasin en 1998, Cultura n’a jamais cessé d’être plébiscité. Notre entreprise ne connaît pas la crise. J’ai même la conviction que nous sommes sur des marchés potentiellement dynamiques… à condition qu’ils soient abordés d’une certaine façon. Je crois beaucoup à l’importance de l’accessibilité : accessibilité des magasins, d’où nos installations dans les zones commerciales de périphérie où il est facile de venir et de se garer, mais aussi accessibilité de l’offre, d’où notre large gamme de produits, et enfin accessibilité aux conseils et aux services, avec des vendeurs accueillants et à l’écoute des clients. Il faut gommer l’élitisme du monde culturel.
Nous pouvons facilement doubler notre parc et avoir 120 magasins d’ici à cinq ou six ans. Mais notre développement n’a rien d’une fuite en avant. Il repose avant tout sur le succès pérenne de chacun de nos points de vente. A ce jour, nous n’en avons fermé aucun et tous sont rentables. Chaque magasin doit contribuer, à sa proportion, au succès économique et ainsi permettre à l’entreprise de réinvestir dans sa croissance. Ce sont nos bons résultats économiques et commerciaux qui nous poussent à développer notre modèle.
Notre budget annuel moyen d’investissement est d’environ 20 millions d’euros… hors stock.
La prochaine doit avoir lieu en décembre à Brest. Le projet est d’ouvrir un magasin de 2 000 m2 en toute proche périphérie de la ville. Avec Saint-Aunès, près de Montpellier, et Epagny, près d’Annecy, nous aurons eu trois ouvertures en 2015… au lieu des cinq prévues, puisque celles de Paris à La Villette et celle de Brive vont être reportées à 2016. Du coup, pour l’an prochain, nous avons déjà six à sept implantations prévues.
Je crois au contraire que les centres commerciaux ont un bel avenir devant eux. Bien sûr, il y a une tendance à un retour au commerce de proximité, mais ce retour ne peut être que partiel. Les centres-villes ne pourront pas absorber toute l’offre. A Brive, où nous avons déjà un magasin situé en périphérie, nous avons été sollicités par la mairie à la suite de la disparition de la librairie Forum. Nous avons répondu présents pour ne pas laisser un vide s’installer et parce que nous avons un service à rendre. En ce sens, oui, nous sommes attentifs aux centres-villes. Il n’y a pas tant de librairies indépendantes qui ouvrent ! Or, si l’on veut maintenir un tissu dense de librairies et limiter le transfert de la demande vers les pure players, il faut répondre aux nécessités qui se présentent. Nous avons une responsabilité dans l’évolution du marché.
J’ai le sentiment que la nouvelle loi sur les ouvertures dominicales a généré beaucoup d’effets d’annonce pour, en réalité, bien peu de changement en dehors de Paris intra-muros. Concernant l’autorisation d’ouvrir douze dimanches par an au lieu de cinq, il convient de rappeler que celle-ci reste soumise à autorisation des maires. Or, à ce jour, peu de maires autorisent déjà l’ouverture de cinq dimanches dans l’année. Je crains donc que la loi ne change pas considérablement la situation actuelle. Quant aux zones touristiques internationales, elles sont peu nombreuses sur le territoire national et ne nous concernent pas.
Notre site fonctionne en collaboration avec nos magasins. Le commerce de détail change, il faut nous adapter. Nous jouons donc la carte de l’omnicanal. En revanche, nous n’avons pas une vocation de pure player et nous ne cherchons pas à valoriser notre marque et notre site hors de nos emplacements. Dès lors, c’est dans les zones où nous sommes implantés que le rayonnement du site est clairement le plus important.
L’international nous intéresse. C’est une orientation que nous prendrons d’ici à deux ou trois ans. Peut-être dans un pays francophone… mais pas forcément.
Le livre est et reste notre premier produit et notre premier moteur. Il représente presque 40 % de notre activité et affiche un taux moyen de progression annuelle de 15 %. Pour autant, notre attractivité repose aussi sur d’autres produits et notamment, c’est vrai, sur les loisirs artistiques. Les difficultés de certains de nos marchés historiques, notamment la musique et la vidéo, nous ont conduits à faire évoluer notre offre vers ces secteurs où nous avons très vite senti une grande appétence des clients. Sans nous désengager de la musique et de la vidéo, nous avons réalloué une partie de leurs espaces aux loisirs artistiques. Ce mix culturel et artistique, c’est notre fil rouge. C’est aussi ce qui nous distingue des autres.
On le regarde de près. Nos premières offres verront le jour en 2016, en magasin ou sur Internet. L’occasion rentre pleinement dans notre logique de service en venant compléter notre palette d’offre, à côté du livre neuf papier et du livre numérique. Notre ambition est de couvrir tous les champs possibles pour satisfaire les clients.
Je suis très heureux de concourir au développement d’une solution 100 % française. C’est d’ailleurs la seule qui existe aujourd’hui. Elle se développe et nous venons de passer un cap important avec la mise en place d’une nouvelle technologie de DRM. Elaborée par Readium et adaptée par Tea, la DRM Tea-Care va faciliter l’accès aux fichiers sans nuire à leur niveau de protection. Tous les grands éditeurs ont donné leur accord pour que nous utilisions cette DRM à la place de celle d’Adobe, beaucoup plus contraignante. C’est un frein en moins au développement du livre numérique.
Les évolutions technologiques font apparaître de nouvelles pratiques et donc de nouvelles demandes. La filière livre doit s’y intéresser davantage au risque d’être contournée. Avec Tea, nous sommes porteurs d’un projet et nous voulons avancer d’un pas plus dynamique avec le monde de l’édition. Il y a encore trop de frilosité et de freins. Il faut revoir le prix des livres numériques qui est aujourd’hui trop élevé. Mais aussi réfléchir à d’autres formules d’offres, à commencer par l’abonnement mais aussi le couplage d’une version numérique avec le livre papier. Je suis convaincu que le numérique et le papier sont complémentaires dans leurs usages.
Trois fois plus de Cultura à La Rochelle
L’ouverture du nouveau point de vente Cultura, le 14 septembre dans la périphérie de La Rochelle, marque l’aboutissement d’un projet d’agrandissement envisagé depuis 2001. "Face au plébiscite des clients, le magasin historique de Puilboreau s’est très vite révélé trop petit mais la difficulté a été de trouver un nouveau site pour accueillir un magasin sensiblement agrandi", explique Jean-Luc Treutenaere, directeur des relations extérieures de Cultura. C’est finalement à l’occasion de la refonte de l’ensemble de la zone commerciale que le projet de développement s’est concrétisé. En s’installant dans un local de 3 000 m2, trois fois plus grand que le précédent, le magasin, qui a embauché une dizaine de salariés, portant ainsi les effectifs à une bonne quarantaine de personnes, va pouvoir "détendre et étoffer son offre". A côté du développement de ses ateliers créatifs, organisés dans des salles dédiées, et de la création d’un rayon instruments de musique, le département librairie enrichira son assortiment avec 45 000 références prévues. Tous les rayons seront consolidés, et en premier lieu la BD, la jeunesse et le développement personnel, qui se déploiera dans le cadre d’un univers thématique. La chaîne propose en effet dans ses magasins, autour du développement personnel et du bien-être, une offre transversale où livres et objets se côtoient.