Le cinquantenaire du ministère de la culture est l'occasion de réflexions en forme de bilan ou de prospective. Faut-il encore un ministère de la culture ? Pour quelles missions ? Dans ce cadre, plusieurs commentateurs s'interrogent sur la mission de démocratisation culturelle. Face à l'absence de progrès réels de celle-ci, ne faudrait-il pas renoncer à cet objectif ? Certains le suggèrent en arguant que c'est à l'Ecole de remplir cette mission de démocratisation. Dès lors, cela permettrait de confier au ministère de la culture   un rôle central en matière de patrimoine ou de création. Ce raisonnement est juste mais il se heurte à une croyance collective structurante.   Si le ministère de la culture existe (et devrait continuer à exister à l'avenir) c'est parce que nous défendons l'idée que par-delà la diversité des formes d'expression artistique il existe une sphère de l'activité humaine qui mérite la mobilisation d'une partie des ressources collectives. La vie de l'esprit et de la sensibilité doit s'inscrire dans la manière dont notre société se donne à voir (les ministères constituent aussi des discours de notre société sur elle-même). Mais dès la fondation du ministère, cette affirmation s'accompagne d'une autre : l'émotion artistique relève du domaine de l'universalité. Tout membre de notre société est (en puissance) sujet à cette émotion. Cette montée en généralité permettait ainsi à cette création de ne pas apparaître comme corporatiste : il ne s'agit pas d'un ministère des artistes ! Il s'agit de servir l'intérêt général. Cinquante ans plus tard, il s'avère assez clairement que la culture mise en avant par le ministère intéresse une fraction circonscrite de nos concitoyens. La démocratisation est devenue davantage un horizon, un mythe, un argument plus qu'une réalité. D'ailleurs, la répartition effective des budgets du ministère montre que la mission de démocratisation occupe une place assez secondaire. Devant cette situation on peut comprendre les interrogations à son sujet. Mais est-ce possible d'y renoncer ? Ne serait-ce pas remettre en cause la croyance collective dans l'universalité de l'art ? Pour l'heure, cela ressemble fort à une illusion nécessaire car beaucoup auraient à perdre à renoncer à cette croyance. C'est la raison pour laquelle perdure ce discours.   Malgré tout, il faut peut-être y renoncer non par plaisir mais par souci de construire une politique construite sur la réalité et non une illusion. C'est sans doute une condition pour que tous les citoyens croient à la politique... Mais par quel projet le remplacer ? Cela supposerait, par exemple, de définir la culture non par la création mais par la capacité partagée des citoyens à apprécier et produire des formes variées d'expression. C'est dire que la politique culturelle ne serait plus verticale (du créateur et de celui qui l'accompagne vers le public) mais horizontale (la culture se co-construit en rapport avec la population de proximité). Le danger (pour le ministère et le monde de la culture) serait alors de faire disparaître la dimension strictement « culturelle » d'une telle politique. Ce serait pourtant à explorer. C'est la voie de l'Agenda 21 de la culture qui trouve un infatigable promoteur en   J.-M. Lucas (par exemple : voir vidéo ). Voilà un beau débat et des pistes à même de refonder le ministère... non ?
15.10 2013

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