Venu de la (très) grande distribution, il est depuis un an le P.-D.G. de Nosoli, qui regroupe désormais le Furet du Nord, Decitre et Chapitre.com. Le patron, commerçant assumé, compte faire profiter le groupe de son expérience dans le marketing digital et la data pour affiner l'offre des librairies.
Par
Marie Fouquet Créé le
01.12.2022
à 15h17, Mis à jour le 12.12.2022 à 10h55
«Un commerçant qui arrive chez les littéraires, voilà comment devaient me percevoir les libraires quand je suis arrivé dans le groupe. » Il y a un an, Cyril Olivier prenait la tête du groupe Nosoli, créé par Pierre Coursières après dix-neuf ans de direction du groupe de librairies Furet du Nord. Nosoli réunit, depuis 2019, le groupe de la région lyonnaise Decitre et les librairies Furet du Nord, autour de Lille. Depuis la reprise, Nosoli - qui est la contraction de la devise « Nous sommes liés, nous sommes libraires » - a ouvert de nouveaux magasins dans la région parisienne, où il compte se développer encore. « Trois à quatre ouvertures par an », tel est l'objectif visé par le nouveau P.-D.G.
Avant d'arriver dans les rayons des librairies du groupe Nosoli, Cyril Olivier, 52 ans et installé depuis vingt ans dans la région du Nord - il obtient son diplôme de l'École de commerce de Lille en 1992 -, baignait dans des domaines bien différents : le textile et l'alimentaire. Yoplait, Système U, les 3 Suisses, Kiabi, Auchan... L'homme a fait ses armes et les a développées dans de grosses enseignes de consommation de masse, avec deux spécialités à son actif : le marketing et le digital. « Je suis un vieux C-O-N du digital, s'amuse-t-il, je travaille dans le web depuis le milieu des années 2000, j'ai connu Second Life en 2007 avant de connaître le métavers. » C'est d'ailleurs cette fine connaissance des univers numériques qui a attiré Pierre Coursières vers le profil de Cyril Olivier. L'un des multiples objectifs de développement pour les prochaines années, c'est le BtoB, le BtoC, le numérique. Cet été, le groupe a racheté l'entreprise en faillite Chapitre.com, ce qui va lui permettre de développer différents formats de vente, notamment en ligne. Fin connaisseur des algorithmes et de leurs pouvoirs, Cyril Olivier compte sur les datas pour servir les librairies quant à l'offre éditoriale présentée aux lecteurs. « La data ne peut fonctionner que dans des modèles décentralisés, car il faut pouvoir faire évoluer une librairie en fonction des informations recueillies sur les clients, explique-t-il. Dans nos enseignes, les libraires sont libres de bouger les murs et l'offre comme ils le veulent, et la data permet d'affiner la pertinence de l'offre qu'on adresse. »
Or, s'il y a bien une chose sur laquelle Cyril Olivier insiste, c'est la liberté et l'indépendance qu'ont, et que doivent conserver, les libraires du groupe. « La raison d'être de l'entreprise a été retravaillée par les collaborateurs, majoritairement des libraires (à plus de 50 %), qui ont tenu aux qualificatifs "indépendants et passionnés". » Tous les choix éditoriaux sont faits par les libraires et les responsables de rayons, ce qui permet à la fois d'établir une cohérence avec les demandes des lecteurs et d'enrichir l'offre des actualités éditoriales ainsi que les liens possibles avec de plus anciennes parutions. Dans l'immense Furet de Lille, qui occupe trois immeubles de la Grand-Place en cœur de ville, la responsable du rayon BD vient de recevoir les meubles qui lui permettront de construire un module consacré aux BD d'histoire. Elle voudrait le présenter sous la forme d'une cascade de livres dont la hauteur d'homme permettra d'attirer le regard des clients sur la sélection mise en avant.
La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.
« Le gros changement par rapport à mes expériences d'avant, c'est que je viens vivre du sens et de la chair. » Lorsqu'il travaillait chez Auchan, Cyril Olivier chapeautait un périmètre de plus de 100 millions de personnes. Il lui a fallu trois mois pour parcourir toutes les librairies et rencontrer chacun des directeurs et directrices. Quand il arrive au siège le matin, il met vingt-cinq minutes à saluer l'ensemble des salariés. « Je suis venu ici pour vivre cette expérience à échelle humaine », insiste-t-il. Lorsqu'un mouvement de grève a commencé il y a un peu plus d'un mois, notamment après le rachat de Chapitre.com, il s'est à nouveau rendu dans les librairies pour transmettre les chiffres et les stratégies de la boîte, dans un souci de transparence.
Novice dans le secteur, Cyril Olivier dirige aujourd'hui de véritables institutions culturelles dans les régions lyonnaise et lilloise. Mais il peut compter sur des équipes dont certains membres sont présents parfois depuis le début de leur carrière. Comme Jean-François Callens, au Furet du Nord depuis trente ans. C'est son père qui a repris la librairie en 1959, puis l'a développée. Après avoir travaillé en librairie pour des jobs d'été, Jean-François Callens a progressivement intégré les équipes permanentes en se formant parallèlement au métier et a construit sa carrière au Furet, dont il a assisté à chacune des évolutions. Aujourd'hui, il est au cœur des activités liées aux événements de la libraire, organise des lectures et des rencontres avec les auteurs et s'occupe de la communication. « Je suis rassuré par l'arrivée de Cyril Olivier. Il est important d'avoir un P.-D.G. proche du livre », confie-t-il.
Son lien au livre, Cyril Olivier le doit en partie à sa famille. « Je suis issu d'une famille de la fonction publique », explique-t-il. Ses oncles étaient professeurs, sa mère - qui rêvait pour lui d'intégrer l'ENS - assistante sociale, et son père policier. Féru de littérature, il doit son entrée à Sup de co Lille (SKEMA) à Gabriel García Márquez, dont il parle alors en réponse à une des questions du concours d'entrée, portant sur « son écrivain préféré ». Lui-même père de trois enfants, dont un petit de 5 ans, il tient à leur transmettre son goût pour la lecture. « Les aînés m'ont même avoué que je leur avais mis la pression avec la lecture. » L'un, cartésien et sportif, travaille dans un cabinet d'experts-comptables ; l'autre, très littéraire, finit ses études à Sciences Po. Cette transmission, il entend aussi la réaliser à travers les différents formats de magasins du groupe : en centre-ville, dans les centres commerciaux, des petites et des grandes librairies. Rendre le livre accessible à tous, faire tomber les plafonds de verre, et casser la traditionnelle image élitiste de la librairie, tels sont les crédos de Cyril Olivier et du groupe Nosoli.
« Le luxe, c'est d'apprendre tout le temps, conclut-il. Aujourd'hui, à 50 ans, j'apprends de nouveau et je me remets en cause. Il n'y a rien de plus jouissif que de voir des a priori s'effondrer après la lecture d'un livre. »
Bio : en dates
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