5 février > Roman France

Si, ces dix dernières années, Emmelene Landon a écrit plusieurs livres qui font tous dialoguer l’art et la vie, c’est qu’elle est aussi peintre. Ces livres ne sont pas des leçons - l’artiste n’est pas une théoricienne -, mais un voyage via l’écriture à l’intérieur de l’élan, du geste, du processus créatif. Portrait(s) de George, son troisième roman, la cerne de plus près, resserre le cadre. Sa George lui ressemble beaucoup. Pour ce que l’on connaît d’elle… Cette portraitiste au prénom unisexe qui, dans le précédent roman, La tache aveugle (Actes Sud, 2010), était déjà celui d’une tante australienne, peintre elle aussi, travaille dans un atelier au fond d’une cour à Paris, un havre à la fois intime et ouvert, avec vue sur le jardin de deux voisines. George est mère d’une fille, adulte - jeune kangourou qui vient de quitter la poche -, qu’elle a eue quand elle était encore étudiante aux Beaux-Arts. Elle a un « amoureux » qui vient parfois dormir sur la mezzanine aménagée dans l’espace protégé de sa vie d’artiste, où elle accueille les modèles qui viennent poser… « Cet atelier me convient parfaitement, comme si je vivais dans ma tête. » Là se déroule aussi un autre moment indispensable de l’acte de peindre, le temps de la contemplation solitaire des toiles, de sa galerie privée : le portrait de Joseph, l’ami de lycée, psycho-géographe ; celui récalcitrant de Birgitta, la voisine suédoise qui parle tout le temps ; celui, terminé depuis trois ans, de Gabor reparti à Budapest ; celui en cours d’Edmée, « physio » dans une boîte de nuit ; de Noémie, employée dans un magasin de partitions de musique qui a choisi de poser nue ; ou d’Ailante, une fillette au nom d’arbre du quartier. Il y a aussi « le portrait d’Edouard avant qu’il se tue », achevé sans lui, à qui elle « aime raconter ce qui [lui] passe par la tête ». Alain, lui, qui a acheté son portrait, l’a emporté avant qu’il ait séché.

L’artiste crée ainsi, entre déception et étonnement, dans une patience concentrée, un mouvement de maturation lente, tentant de cultiver à travers ces portraits « le désir de reproduire » une personne « pour vivre un moment avec la matérialisation de sa chair et de son esprit ». Pour « célébrer son être ». Une cérémonie pleine de modestie et de générosité. Véronique Rossignol

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