Un homme s’adresse à un autre, qui s’avère être le narrateur de Victoria n’existe pas. Tous deux se trouvent embarqués dans un train qui roule en direction d’Athènes. Le premier évoque avec émoi son quartier interlope, ses nombreux et exotiques voisins, les différents trafics qui s’opèrent en plein jour. Outre des Grecs, dit-il, le lieu fourmille désormais d’Albanais, de Pakistanais, de Roumains. La place Victoria n’est plus la même, envahie d’étrangers et continuellement noire de monde.
Le narrateur - dont on apprend qu’il vient d’un quartier favorisé de la ville - écoute son interlocuteur tout en regardant ses mails sur son téléphone portable, en effaçant les nombreux spams qu’il découvre. Le court et incisif texte de Yannis Tsirbas, né en 1976 à Athènes, propose des pauses. Il fait çà et là entendre d’autres histoires liées au même quartier, comme celle de Mélétis le "mangas". L’adolescent de 15 ans a été roué de coups par les policiers après avoir détourné un véhicule de patrouille. Il n’a ensuite pas hésité à se faire tatouer l’entrejambe et a encore reçu des coups.
Voici aussi celui qui n’a pas mangé depuis trois jours et qui fait la manche. Sa tête tourne, il tombe dans la fontaine, en ressort, se met à plat ventre sur les dalles de la place, croit apercevoir un billet de banque inespéré. Le monologue du train reprend de plus belle. L’homme qui parle sans relâche a sa petite idée sur le problème, sur cette "peste" qui ronge l’Athènes d’aujourd’hui. Victoria n’existe pas frappe à la fois par son propos d’une rare actualité et par son écriture acérée. Parions que Yannis Tsirbas, dont c’est la première œuvre, ira loin. Al. F.