Aujourd'hui, les pionniers vont à la conquête de l'espace, de plus en plus loin. Jadis, comme Michel Adanson, ils s'aventuraient vers des lieux terrestres inconnus. Ce naturaliste et académicien français oublié a réellement vécu de 1727 à 1806. « Je suis une branche coupée de la botanique », affirme son double de papier dans le nouveau roman de David Diop. L'auteur, qui a reçu l'International Booker Prize 2021 pour Frère d'âme (Goncourt des lycéens 2018), ravive cette existence aussi dense que nuancée. Un homme, qui a été absorbé toute sa vie par la botanique, s'éteint sous les yeux de sa fille. Elle le voit sous un autre jour lorsqu'elle découvre dans ses cahiers ses « souvenirs d'Afrique ». « Clapotis, vague à l'âme, résurrections », tout s'explique et s'explore.
Ces pages retracent un voyage initiatique éprouvant et enrichissant, au Sénégal, reflétant l'Occident colonisateur auquel il appartient. L'ombre esclavagiste plane sur ce pays. Le chercheur cartésien s'y familiarise avec ses croyances, coutumes et jeux de pouvoir. « Les Nègres du Sénégal entassent tous les trésors de l'humanité » dans le wolof. Ces derniers sont cependant menacés. Telle Maram, femme-fantôme qui a marqué les esprits. « Consumé par un incendie intérieur », le héros s'enflamme cœur et âme pour cette « sorcière », aussi belle que rebelle. Mais que peuvent deux êtres dans une ère étriquée ? Les racines sénégalaises de l'auteur nourrissent sa glaise littéraire. On retrouve sa plume suave et imagée, imprégnée par les douleurs et les beautés de cette terre bigarrée.
La porte du voyage sans retour
Seuil
Tirage: 40 000 ex.
Prix: 19 € ; 254 p.
ISBN: 9782021487855