Les Indiens d'Amérique ont été l'objet d'un sempiternel malentendu. Leur nom déjà, qui vient d'une méprise de Christophe Colomb croyant débarquer en Inde. L'imagerie du Peau-Rouge des westerns a fait le reste et creusé l'incompréhension qui s'est perpétuée dans le stéréotype de l'Indien cantonné à sa réserve et condamné à l'alcoolisme et au chômage.

Hormis cette appellation erronée sanctifiée par l'usage, David Treuer rectifie le tir et consigne de manière exhaustive les événements qui jalonnent l'histoire douloureuse des autochtones nord-américains face à l'expansion des colons blancs. Notre cœur bat à Wounded Knee : L'Amérique indienne de 1890 à nos jours est le visage caché de la conquête de l'Ouest. Des annales du point de vue indigène, et assumé comme tel. De mère ojibwée, l'auteur annonce la couleur dans le prologue : « ce livre est une sorte de contre-récit de notre histoire telle qu'elle a été racontée », doublé d'« une tentative de confronter les manières dont, nous les Indiens, comprenons la place que nous occupons le monde. »

Le dernier des Mohicans ?

Iroquois au Nord-Est, Creek au Sud, Sioux dans le Midwest, Séminole en Floride... David Treuer dessine une topographie géopolitique qui préfigure la catastrophe. Si l'union a fait la force, côté Blancs (après la révolution menée par les colons européens contre la Couronne britannique), a contrario, la multiplicité des stratégies de résistance contre l'ennemi d'origine européenne, côté Indiens, ainsi que les rivalités entre tribus, et le jeu des alliances (parfois même avec les Anglais contre les partisans de George Washington) ont contribué au délitement de leur territoire.

Mythique est la bataille qui eut lieu à Wounded Knee, dans le Dakota du Sud, où les Indiens furent définitivement défaits, signant leur fin et le début des réserves... Wounded Knee aura été leur guerre de Troie. Et Treuer de se faire chantre troyen : non pas tant pour pleurer l'échec qu'afin de chanter l'espoir d'un peuple ancien et pluriel, et survivant. Aussi réfute-t-il le fatalisme de Dee Brown, auteur du best-seller, Enterre mon cœur à Wounded Knee (1970), en montrant que les Indiens ont également su s'adapter jusqu'à l'ère numérique et même entrer de plain-pied dans la vie publique des États-Unis. Le Mohican bouge encore.